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Une grande densité spirituelle

26 avril 2020                        3e dimanche de Pâques A – Luc 24, 13-35

Lectures de ce jour

« Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »

L’épisode des disciples d’Emmaüs se révèle d’une grande densité spirituelle et d’une étonnante actualité. Il nous en dit long sur les disciples que nous sommes et sur la pédagogie de Jésus.

Des hommes déçus et désabusés

Deux hommes s’éloignent de Jérusalem. Ils quittent la communauté des disciples. L’arrestation de Jésus et son exécution ont fracassé leurs rêves d’une libération du joug romain. Jésus s’est laissé prendre sans résistance. Ils retournent chez eux, déçus. Déçus de Jésus. Déçus de la communauté et des chefs religieux. Déçus d’eux-mêmes.
Oui, Jésus peut décevoir. On a fait peser sur lui des attentes auxquelles il ne voulait pas répondre.

« Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. »

Jésus déçoit ceux qui voudraient le voir corriger les injustices de notre monde et répondre à nos besoins matériels. Il ne répond pas directement aux prières qui réclament plus d’équité, de partage, de respect des plus faibles. Il semble sourd aux demandes de paix et de joie. Où est-il quand frappe le malheur ? Quand une pandémie ravage le monde ?

La communauté des disciples déçoit elle aussi. En quelques heures, elle s’est désagrégée. Judas a livré son Maître. Pierre, son chef, après un sursaut de résistance, l’a renié et tous les autres ont fui, sauf un. De plus, lors du procès de Jésus, les chefs religieux d’Israël ont condamné un innocent, un homme qui n’avait fait que du bien. Les deux hommes en sont consternés. Vers qui se tourner désormais ? Comme si cela ne suffisait pas, ils se reprochent d’avoir eux aussi déserté à l’approche du danger.

Souvent, dans l’Église, les responsables déçoivent : manque de leadership, silences, atermoiements, voire complicités, et divisions entre eux. En outre, bien des fidèles s’accommodent d’un Évangile dilué ou même réclament des interprétations au goût du jour. D’autres s’accrochent avec nostalgie à un passé révolu. La communauté des disciples autant dans ses responsables que dans ses membres, déçoit comme au 1er jour de Pâques sur la route d’Emmaüs. Les authentiques chercheurs de Dieu ne savent pas vers qui se tourner pour trouver une inspiration.

Jésus les rejoint sur la route

Comme tous ceux et celles qui se sentent trompés, trahis, ces 2 disciples ressassent les événements comme pour y trouver un sens ou encore s’en libérer.
« Ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé. »

Ils retournent chez eux tristes et désemparés, comme s’ils n’allaient nulle part, sans autre but que de s’éloigner du lieu de leurs désillusions. Jésus les rejoint sur la route de leurs questionnements, justement parce qu’ils s’interrogent et il marche avec eux.

« Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. »

Ils ne le reconnaissent pas.

« Leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. »

Trop absorbés par leur peine et leur déception, obnubilés par le spectacle de leur Maître mort cloué à la croix, ils ne peuvent reconnaître le vivant qui leur emboîte le pas. Lorsque la souffrance nous submerge, les ténèbres nous empêchent de voir. Comme ces disciples, nous attendons de Dieu qu’Il vienne combler nos désirs, à notre manière. Déjà, Isaïe devait rappeler au peuple que le Seigneur voit plus loin et plus grand que nous.

« C’est que vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins – oracle du SEIGNEUR. C’est que les cieux sont hauts, par rapport à la terre: ainsi mes chemins sont hauts, par rapport à vos chemins, et mes pensées, par rapport à vos pensées. » Is 55, 8-9 Tob

L’apôtre Paul l’affirmait d’une autre façon : « O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables! » Rm 11,33 Tob

Comment grandir en confiance en un Dieu dont la sagesse nous dépasse ?

Jésus ne blâme pas les deux pèlerins de s’éloigner de la communauté. Il les invite plutôt à partager ce qui les perturbe et les fait souffrir. Ce faisant, ils pourront comprendre que leur désillusion provient d’une interprétation erronée de la mission du Messie. Sinon, ils retourneront à Emmaüs avec des attentes qui ne seront jamais satisfaites. Il s’agit pour eux d’une maturation dans la foi. Jésus les conduit à une compréhension plus profonde de sa mission.
Après les avoir écoutés, et seulement après, Jésus entreprend de les réconforter et Il les interroge à son tour.

« Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »

Il en appelle alors à ce qu’ils connaissent et qui demeure important pour eux, l’Écriture.
« Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. »

La masse des Écritures peut prêter à bien des interprétations. L’interprète authentique ne peut en être que le Christ ressuscité. Car Il en est l’accomplissement et la plénitude. En route vers Jérusalem Jésus avait prédit sa passion et sa mort. Mais l’oreille des disciples refusait d’accueillir et de comprendre. Aujourd’hui encore, le nécessaire passage par la croix demeure une question que nombre de chrétiens acceptent ou rejettent sans comprendre. Nous mériterions nous aussi le reproche de Jésus : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! »

La passion et la mort de Jésus demeurent un mystère, un mystère d’amour. On ne peut approcher ce genre de mystère que par la foi et l’intelligence du cœur, par une purification de nos attentes face au Seigneur.

La Parole et le Pain

Les pèlerins d’Emmaüs ont fait place à l’étranger qui les a rejoints sur la route et ils lui ont fait part de leur déception. Réchauffés par sa parole réconfortante, ils l’ont invité chez eux.

À la « fraction » du pain, ils l’ont reconnu.

« Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »
Le partage du pain et l’explication de la Parole permettent de reconnaître le Christ ressuscité.

« Mais il disparut à leurs regards. »

Jésus disparaît à leurs regards. Il disparaît, sans pour autant s’absenter. Les deux disciples savent désormais que Jésus est vivant. Il ne marche pas avec eux, il marche en eux. Alors, bravant les dangers de la nuit, ils vont retrouver leurs frères et sœurs à Jérusalem. Avec qui d’autres pourraient-ils partager leur expérience et la joie retrouvée ?

Conclusion

Nous serions souvent tentés de prendre la route d’Emmaüs, de nous éloigner d’une communauté ecclésiale imparfaite. Qui souvent nous ressemble trop. Si nous y demeurons ou si nous y retournons, ce n’est pas parce qu’elle serait devenue parfaite. Nous rejoignons la communauté des disciples simplement parce que le ressuscité la visite par sa Parole qui réchauffe le cœur et par son Pain qui unit les disciples et donne la force et l’audace de reprendre la route avec des frères et des sœurs, en dépit des dangers et des obstacles. Ma faiblesse devient force quand je m’intègre à la communauté.

Le témoignage de la communauté, ne l’oublions jamais, ne vient pas de la perfection de ses membres, mais de son unité et de l’amour qui y circule.

« À ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples: à l’amour que vous aurez les uns pour les autres.» Jn 13, 35 Tob

Nos forces peuvent diminuer, nos ressources s’épuiser, mais demeure toujours la capacité d’aimer.
Le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il marche avec nous. Il marche en nous.

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À écouter : simples suggestions

« Reste avec nous, Seigneur Jésus » – Hymne aux vêpres du dimanche (1) par les moines de l’abbaye de Clairvaux.
https://www.youtube.com/watch?v=OP1XUitJNRk

« Reste avec nous, toi le convive d’Emmaüs » de Robert Lebel
https://www.youtube.com/watch?v=6fSuLKe-GcI

Marcel Poirier, a. a.