Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Un amour blessé, mais entêté

Photo libre de droit par formulaire PxHere

4 oct0bre 2020      27e dimanche du temps ordinaire A – Mt 21, 33-43

Lectures de ce jour

« La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! »

La Parole de Dieu nous raconte une histoire d’amour, un amour déçu, blessé, mais un amour qui ne capitule jamais devant les rejets ou trahisons répétées.

Plusieurs siècles avant Jésus, le prophète Isaïe dénonçait l’infidélité de son peuple. Le « chant du bien-aimé à sa vigne » rappelle de façon poétique cette histoire d’amour déçu.

L’élection d’Israël

De tous les peuples qui existaient alors, Dieu a élu Israël. Pourquoi choisir ce peuple sans importance, « à la nuque raide » et non un grand empire, comme l’Égypte ou Babylone ou Rome l’invincible ? Dieu choisit Israël, peuple sans territoire au moment de la vocation d’Abraham. Il le choisit justement parce qu’il est petit et à la merci des plus forts. Israël ne pouvait invoquer son importance ou s’attribuer un mérite quelconque. Apparaît ainsi la gratuité de son élection, la gratuité de l’amour du Seigneur.

L’élection d’Israël demeure un mystère. Dieu le choisit, alors que toutes les nations lui appartiennent et sur lesquelles il veut aussi répandre ses bénédictions. Mais ses bénédictions passeront par Israël.
Le SEIGNEUR dit: «Vais-je cacher à Abraham ce que je fais? Abraham doit devenir une nation grande et puissante en qui seront bénies toutes les nations de la terre.» Gn 18, 16

Unies à Israël les nations pourront jouir des bénédictions de Dieu. Pour les recevoir les hommes doivent s’unir aux plus faibles et s’ouvrir aux autres. On ne peut aller vers Dieu en se coupant des autres. Un énorme défi pour une humanité plus portée à ériger des murs qu’à construire des ponts. La pandémie actuelle réveille ce réflexe où chaque pays tend à se replier se lui-même et à fermer ses frontières, allant jusqu’à bloquer la circulation des individus.

Les fruits de la vigne

Or la vigne en question, le peuple d’Israël, n’a pas donné de bons fruits. Dieu « en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris. »

Pendant des siècles les prophètes ont affirmé que le culte que Dieu attendait, ce n’était pas les sacrifices d’animaux ou autres, mais la justice, le respect des pauvres et des faibles. Pourquoi Israël a-t-il ignoré cet élément central de la prédication prophétique ? Pourquoi a-t-il négligé la justice ? Aurions-nous fait mieux ?

Israël, petit peuple, était entouré de voisins puissants. Leur supériorité le fascinait et la tentation de les imiter était forte. Il en est toujours ainsi. La réussite des grands provoque souvent l’envie et leur mode de vie nous attire. Notre société de consommation nous imprègne de ses valeurs. Les fruits de la vigne ecclésiale s’en ressentent. L’enseignement social de l’Église parle de justice, comme au temps des prophètes, et il demeure ignoré.

Dans la parabole Jésus s’attarde à l’attitude des vignerons. Le propriétaire avait entouré sa vigne d’une clôture et élevé une tour de garde pour la défendre des dangers extérieurs. Mais le mal a germé de l’intérieur, dans le cœur de ceux qui en avaient reçu la garde.

Jésus y ajoute un élément décisif : l’envoi du Fils, mis à mort par les vignerons. Il décrit par anticipation le comportement des chefs religieux d’Israël qui veulent se débarrasser de ce prédicateur encombrant. Jésus annonce ainsi sa propre mort, une mort « hors de la vigne », autre allusion au calvaire qui se trouvait alors en dehors des murs de la ville.

La souffrance du Christ

Israël a refusé d’accueillir le Messie annoncé par les prophètes. On devine la souffrance de Jésus à la vue de ce peuple qu’il aime tant et qui refuse d’accueillir l’envoyé du Père. Il a pleuré sur Jérusalem.
« Jérusalem, Jérusalem, toi qui mets à mort les prophètes et tues à coups de pierres ceux que Dieu t’envoie ! Combien de fois ai-je désiré rassembler tes habitants auprès de moi comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, mais vous ne l’avez pas voulu! » Mt 23,37

De nos jours, les Chrétiens partagent la souffrance de Jésus devant le rejet de la foi. Les persécutions se multiplient actuellement dans le monde. Plus près de nous, combien se désolent de voir leurs propres enfants, des parents et des amis rejeter plus ou moins catégoriquement la foi en Jésus. Nous en souffrons d’autant plus que nous savons que la foi au Christ serait pour tous une source de joie et d’espérance

Un amour entêté

La parabole confirme l’entêtement de Dieu ; il ne se laisse pas bloquer dans son plan de salut par le refus de ceux et celles qu’il avait choisis. Devant cette résistance le Père donne un signe encore plus grand de son amour. Il transforme ce qui était un geste de mort en acte vivifiant.

Les vignerons croyaient s’approprier la vigne par la violence en tuant le fils. Triomphe apparent dont Dieu tire une victoire plus grande, une victoire sur la mort elle-même. La résurrection du Christ ouvre le passage d’une vie limitée, mortelle, à une existence pleine et illimitée en Dieu. Jésus signale le fait par une image : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille devant nos yeux. »

Le Christ, rejeté, ressuscite et devient cette pierre d’angle, ce pilier du nouveau peuple que Dieu désire tant s’attacher. Voilà la merveille ! L’appartenance à ce peuple n’est plus liée à une nation ou une catégorie sociale : le peuple de Dieu se compose désormais de femmes et d’hommes venus de tous les horizons. La barrière ethnique disparaît. L’appartenance repose sur quelque chose de plus profond; l’adhésion du cœur à une personne : le Christ.
La promesse à Abraham s’accomplit : toutes les nations sont bénies en lui en la personne de son descendant, le Christ. Dieu n’a pas rejeté Israël. Jésus et les 1ers disciples en sont issus. Toutefois le critère d’appartenance au peuple d’Israël s’est approfondi et élargi.

Les disciples de Jésus forment désormais ce peuple. L’Église en est l’expression visible et elle fait face aux mêmes défis. Les responsables, à quelque niveau que ce soit ne doivent pas l’oublier : la vigne ne leur appartient pas ; la tentation d’en conserver les fruits surgit à tout moment. Or ils doivent en remettre les fruits.

Dieu attend de nous des fruits, de bons et beaux fruits. Comment, dans le concret de notre vie, incarner la vitalité de la vigne ? Sans hésitation, Paul invite à regarder autour de nous : ( cf. 2e lecture ) « Tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte.» 

Autour de nous abondent des fruits bons et beaux. Paul nous invite à les repérer et à nous en inspirer. Par-delà les malheurs du monde que nous exposent les médias et que nous ne devons pas ignorer, se présentent à nous des réalités très louables : luttes contre la pauvreté, bénévolat, simplicité volontaire, souci de l’écologie, dénonciation de l’injustice, etc… Le confinement imposé par la pandémie nous permet d’observer des gestes de dévouement. Autant de fruits savoureux greffés sur le tronc de la vigne du Seigneur. Autant d’exemples stimulants.

Conclusion

La constance de Dieu envers son peuple doit nous donner confiance. Ne nous laissons pas décourager par les maux de notre époque ou par nos propres faiblesses. Celui qui a transformé la mort en passage vers la vie peut opérer en nous la même transformation. Associons-nous donc, comme nous y invite Paul à tout ce qui se fait de beau et de bon.
Que Esprit Saint nous aide à y reconnaître les signes de son action vivifiante autour de nous et que le pain que nous partagerons nous donne la force, nous « énergise » pour des engagements de plus en plus fructueux.

Marcel Poirier, a.a.