18 juin 2023 11e dimanche du temps ordinaire, année A – Mt 9, 36 — 10, 8
Un ancien supérieur général des assomptionnistes, le Père Hervé Stéphan, déclare dans sa préface à notre Règle de vie que « quand Dieu voit son peuple dans le besoin, il appelle des hommes. Il leur donne la grâce de sentir, d’aimer comme Lui. Et la force d’entreprendre. Il les appelle et Il les envoie. » Par ces propos, le Père Stéphan décrit brièvement la mission. Il en est de même pour Jésus dans l’évangile de ce dimanche. Saisi de compassion envers des foules, il envoie ses douze apôtres non pas vers ces foules, mais auprès de certains juifs. C’est étonnant ! On penserait qu’il cultive un parti pris et dévie la mission de sa trajectoire. Voyons plutôt comment sont posées et articulées d’exigeantes assises de la mission qui consistent à recevoir et à donner gratuitement à quelqu’un de proche et apparemment inamical.
La réception gratuite
La réception se met de l’avant quand nous parlons de la mission en contexte chrétien. C’est généralement celui ou celle qui a été envoyé.e qu’on voit, tandis que l’auteur de la mission demeure effacé. Les disciples de Jésus auraient pu prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers. Ceux-ci se seraient ainsi mis en mode réception, mais la prière des disciples semble se faire attendre et le maître demeure absent, même si nous le nommons Père de Jésus. Quand Jésus prend sa place en envoyant les douze, il leur rappelle en priorité qu’ils ont reçu gratuitement. Envoyeur soit-il, Jésus aussi a d’abord été envoyé ; la réception est donc prioritaire pour lui également.
La réception apparaît comme une base prioritaire de la mission ; la plus exigeante et peu facile à mettre en place, pourrait-on estimer. Les douze hommes seraient-ils les plus réceptifs ou a-t-il fallu les rendre ainsi ? Que dire de la figure du prêtre en Église catholique et de celle des pères de famille ? Les douze rappellent certainement le peuple de l’alliance, à la nuque raide, donc plutôt peu porté à recevoir gratuitement de la part de Dieu ; mais eux ont reçu gratuitement.
Le don gratuit
C’est sans doute par référence au peuple de l’alliance que Jésus envoie ses douze disciples vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Il se dirait en lui-même : si les douze parviennent à donner gratuitement à leurs proches hostiles et que ceux-ci reçoivent gratuitement, ce sera faisable ailleurs. Souvenons-nous de sa remarque selon laquelle nous donnons à nos proches parce que nous avons l’assurance qu’ils nous rendront l’équivalent.
Comment les proches qui sont en inimitié se traiteraient-ils ? On dirait des pires ennemis ; quelque part on les appelle des traitres. Quant à Jésus, il appelle les douze, leur donne le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie ainsi que toute infirmité, puis les envoie dans un univers hostile. Comme il rappelle leur réception gratuite, il leur demande de donner gratuitement. La tâche s’annonce ardue, mais Dieu aidant, la gratuité fera son chemin.
« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? », demande saint Paul. La réception et le don gratuits se pratiqueraient peut-être facilement comme socles de la mission en contexte chrétien. La référence à Dieu comme Père et auteur de la mission nous porte à accueillir sa parole, à nous accueillir comme sœurs et frères, à recevoir sans l’obligation contraignante de rendre, à donner gratuitement et même à pardonner. Sans voir la vie en rose, nous pourrons transcender nos différends dans le respect, donner à la justice ainsi qu’à la paix toute leur chance de se dire et ainsi faire rayonner la joie de Dieu comme étant la nôtre.
Sadiki Kambale Kyavumba, assomptionniste