Qu’il est brillant celui qui a écrit cette phrase conséquente: «Nous qui avons la chance d’être nés et de ne pas être déjà morts, que faisons-nous sur cette Terre?»1
Nous qui, ces-jours-ci, nous racontons pour la énième fois et afin de ne jamais l’oublier, la passion et la mort de Jésus de Nazareth, que faisons-nous de ce récit grandiose?
Bien sûr, nous les humains, faisons de grandes choses sur la Terre: des chefs-d’œuvre de pyramides, de magnifiques temples aux dieux; nous découvrons de l’électricité dans l’eau, nous inventons l’écriture et la poudre à canon, la culture maraîchère et l’élevage des bestiaux, et parfois, nous nous aimons les uns les autres avec cœur. Un peu, pas longtemps…
Nous qui sommes nés et pas encore morts, sommes aussi, par malheur ou par inconscience, capables de choses bien petites, étriquées et déshonorantes, mesquines, avaricieuses. Nous dormons beaucoup, nous papotons beaucoup, nous nous impatientons aussi beaucoup, nous fuyons l’effort qu’exige l’étude des choses nobles et valeureuses. Qu’exige la vie humaine, quoi. Nous allons même nous laisser aller avec amour, délices et orgues dans des jugements téméraires les plus contraires au message divin de s’aimer les uns les autres.
Et pourtant, dans les jours qui viennent, nous nous remémorerons le récit de la vie et de la passion de Jésus de Nazareth avec le regard clair de celui, et de celle, qui n’a rien remarqué de la chance que nous avons d’être nés et d’être nés chrétiens.
Je pose ici pour vous et pour moi la question vitale, en rien rhétorique: «Que faisons-nous sur cette Terre?» Est-il possible que nous n’existions pour rien? Que nous n’existions que pour être ballotés par le hasard quotidien comme s’emploient à dire certains philosophes inconscients?
Répondre avec cet autre philosophe, Kant, que nous y sommes pour deux choses, «s’émerveiller du ciel étoilé au-dessus de notre tête et pour cultiver la loi morale en soi», donne déjà plein de sens à ce que nous avons à faire sur cette Terre. Il y aurait aussi: pour jouir de la lumière, des couleurs innombrables, des rires, des arbres, des cascades bruyantes, des petites fraises des champs, des caresses…; jouir de se rendre compte que l’intelligence reçue en partage nous permet de comprendre les autres grâce au langage… Jouir du sens même de la gratitude qui nous habite alors.
Peut-être, au fond, sommes-nous là pour la cultiver, celle-là?
Cette semaine et la semaine prochaine, la question à cultiver demeurera quand même: Pourquoi ne jamais oublier ce récit aussi grandiose qu’inquiétant de la passion et de la mort de Jésus de Nazareth?…
Vous, que répondriez-vous?
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1 D’Ormesson, C’est une chose étrange à la fin que le monde, R. Laffont, 2010, p. 13.
« Croire à l’Impossible ! »