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Pourquoi aimons-nous tellement la neige?

Billet éditorial, dimanche, 12.01.2025
Monique Lortie, MA phi

Image: Joie, Nature, Rire. Utilisation gratuite

Je ne peux, chers amis, m’empêcher de partager avec vous quelques réflexions qu’un article trouvé dans Philosophie magazine1 m’a suggérées!

L’auteur s’extasie devant les premières neiges de l’hiver: «La neige est enfin là et voilà que l’enthousiasme nous remplit de bonheur».

Nous, pauvres humains qui cherchons désespérément le bonheur, n’avons peut-être jamais pensé que la neige, – la neige! – pouvait avoir ce don de nous rendre heureux? Or à bien y penser, la neige, cette drôle de matière en somme, nous rend, avouons-le, heureux!

Lorsque les premiers flocons de neige de la saison tombent, l’enthousiasme est général, n’est-ce pas?

Mais pourquoi la neige nous rend-elle heureux?

La réponse vient peut-être des poètes et des philosophes.

Par exemple, le poète suisse Philippe Jaccottet2 s’exclamant «Sur tout cela maintenant je voudrais tant que descende la neige!»

Nous-mêmes, petits Québécois, petites Québécoises, ne sommes-nous pas nombreux, en automne, à attendre l’«apparition surnaturelle [de cette] merveille brève, la venue d’une divinité, d’un bonheur léger et pur»?

Mais pourquoi donc la neige nous fascine-t-elle tant? demande à son tour le philosophe ébloui par l’insaisissable:

Peut-être d’abord parce que la neige nous échappe, nous dépossède. Pour la plupart d’entre nous, la vie est affaire quotidienne et familière de contacts avec de la matière solide, consistante, que nous transformons à coups d’effort et de travail. La neige, elle, inverse ces rapports.

Lorsque nous entreprenons de la manier, elle nous file entre les doigts.

Sartre, lui-même, Sartre le philosophe sérieux, écrit dans «L’être et le néant»: «Sa solidité fond (sous mon poids): j’enfonce dans la neige jusqu’aux genoux. Si je prends de la neige dans mes mains, elle se liquéfie entre mes doigts, elle coule, il n’en reste plus rien: [ce qui tout à l’heure était neige] se transforme en néant. Mon rêve de m’approprier la neige s’évanouit en même temps».

Un autre philosophe, l’Allemand, Hartmut Rosa, remarque lui aussi3 que la neige est littéralement l’image parfaite de l’enfant indocile: «nous ne pouvons pas forcer sa chute ou dicter sa venue, pas même planifier à l’avance avec certitude sa venue».

Rosa écrit encore: «Nous ne pouvons pas nous rendre maîtres de la neige, ni nous l’approprier. Quand nous la prenons en main, elle nous glisse entre les doigts, quand nous la rapportons à la maison, elle fond et, si nous la plaçons dans le congélateur, elle cesse d’être de la neige.»
Lorsque la neige vient, c’est quelque chose de farouche, de noble, d’imposant, qui vient nous visiter, qui transforme le monde autour de nous sans que nous n’y soyons pour quoi que ce soit.

Comme un cadeau inattendu du ciel! – Et pourquoi pas, au fait?

Vous, qu’en pensez-vous?

– Si vous aimez cette façon concrète de philosopher, joignez-vous à moi lors de mes cours hebdomadaires en Zoom ou en Présentiel. Pour vos questions, me contacter: lortie.monique@gmail.com Nous débutons la session d’hiver 2025 dans la semaine du 3 février.


1 Octave Larmagnac-Matheron, publié le 16 décembre 2022.

2 À la lumière d’hiver, 1977.

3 Dans «Rendre le monde indisponible», éd. La découverte, 2020.