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Éditorial du dimanche, 26.12.2021
Monique Lortie, M.A. phi
Les images parlent ; et elles disent vrai !
Dans un ciel Spike, l’univers froid de l’hiver a beau redoubler sa parure d’étoiles, ce ciel n’a pas de sens. Le froid mord, la peur hébète le pèlerin le plus confiant. Que signifie l’aurore dans les jours les plus courts de l’année ? Bien sûr, nous disons avec les savants, Solstice, mais notre pensée ne l’entend pas et le cœur n’y est pas. Bien sûr nous disons que l’aurore sanitaire viendra, mais noir, c’est noir.
Cependant, dans ces froidures annuelles, c’est aussi Noël, Noël qui a une tout autre résonnance. « Il les a toutes », dira le philosophe Alain dans sa belle réflexion sur Noël. Tous les mythes de l’histoire de l’humanité viennent y puiser du sens et y retrouver l’ordre des choses du ciel et de la nature.
L’image de Noël mérite qu’on la regarde de près : considérons le bœuf et l’âne, et les rois mages. Remarquons aussi les parents « prêts à servir ». « Il faut développer cette riche image, dira encore Alain, et la penser sans cesser de suivre ses contours irréprochables. »
Noël, c’est déjà la fête du printemps qui se lèvera bientôt avec ses milles fleurs. Mais, Noël, c’est surtout la fête « humaine » d’une sorte de printemps, celui des hommes de scrupuleuse mémoire qui, comme la terre, gardent vivant le message éternel.
À Noël, l’esprit de tous et même des plus mécréants prend sa lanterne et dans la plus longue nuit de l’année, chante en secret : Réveillez-vous, frères humains, car il est né le divin enfant. Ou bien, avec notre Pauline Julien québécoise : Ce soir, j’ai l’âme à la tendresse. Une tendresse que l’on sait venir de haut.
À Noël, la forme humaine reprend ses droits et se sait venir de haut. Malgré tous les autres dieux qui s’appellent progrès, déconstruction, transhumanisme, la simplicité et la vérité du bœuf et de l’âne nous rappellent notre vérité essentielle qui dépasse de bien loin l’esprit de modernité et de technicité qui nous accable et nous asservit.
Les images sont bien plus vraies que les discours.
Regardons-la, l’image. Pourquoi, dirons-nous, la regarder encore, la penser encore ? Cette question fait honte à l’homme de bonne volonté. Avons-nous bien vu la famille, figure de la continuité humaine, de la transmission, de l’amour ? Dans la famille, l’enfant demande sans douter un instant qu’il sera entendu. Image de la foi.
Dans la famille, le père veille avec sa douceur généreuse, la mère chante à l’enfant qu’il est précieux, qu’il est esprit, qu’il parle et qu’il est reconnu sans conditions. Écoutons-nous Dieu qui chante aussi pour nous ?
Puis viennent les rois mages, des rois d’armée et de puissance ; ils viennent adorer le fils d’un charpentier !
C’est là un renversement qui devrait nous étonner encore et encore… à moins qu’une vilaine sorcière tout droit sortie d’un conte de fée n’ait, un jour, desséché « les fleurs de notre esprit », selon la formule de notre philosophe. Chose terrible qui arrive par la paresse, la vanité, la suffisance, la convoitise, et autres bêtises de ce genre.
Puis osons bien regarder l’âne et le bœuf, puissances muettes et dociles. Ils sont là, on les dirait presque amoureux de l’enfant dans cette nuit de tous les renversements. Ici le suffisant et le capricieux, le « sans-limites », le sans-devoirs d’aujourd’hui pourra-t-il en supporter la vue ? Les images parlent ; et elles disent vrai !
Enfin, osons regarder à neuf l’enfant, le faible enfant dans une pauvre crèche. Osons avouer que cette faiblesse est Dieu. Que cette faiblesse qui cesserait d’exister sans nos soins, c’est Dieu ! Osons reconnaître que « nos soins » se font timides, de nos jours !
Dire « osons », c’est sans doute déjà reconnaître que notre détermination fléchit, il me semble, au fur et à mesure que le divertissement – et l’angoisse, son corollaire – gagne sur nos esprits, hélas.
Mais aujourd’hui, voilà Noël, Noël qui nous donne la chance de « penser ». Penser le Noël de cet humain que nous sommes, qui parle, qui pense et qui, au fond de lui-même, est… tendresse.
Une grande densité spirituelle