ÉDITORIAL DU DIMANCHE 28.11.2021
Monique Lortie, M.A. phi.
Si l’on prenait de la hauteur par rapport à ces considérations, qu’est-ce que nous serions amenés à dire ?
Il me semble que ces jours-ci, nous n’ayons qu’une seule idée en tête : Novembre. Novembre ce mois terrible où chacun de nous perd ses illusions ; novembre le sombre, le gris, le noir novembre !
Quelques semaines auparavant, nous étions tout joyeux de l’abondance de couleurs dans les arbres, des douces senteurs de l’air d’un après-midi qui descend, et surtout du jardin que l’on a apprêté avec amour pour la prochaine saison des semis et des récoltes.
Avant novembre, il y avait du bonheur dans l’air. Du moins comme promesse, comme espérance, comme reconnaissance. Mais novembre vient là nous enseigner l’angoisse. Novembre se fait comme un devoir de nous rappeler que rien n’est à nous, que tout passe et que tout appartient au destin. Le Destin qui, la vie ne nous l’enseigne-t-elle pas, a des droits sur tout ce que l’on pensait nous appartenir : notre présent, notre avenir, notre cœur et notre tête, mais aussi nos bras, nos jambes, nos yeux et nos oreilles, notre « petit ventre de soupe », comme le dirait le philosophe Barjavel. Tout ça lui appartient, au Destin.
Ainsi parlait le philosophe pessimiste, Arthur Schopenhauer, au début du XIXe siècle, dont on se demande comment il a pu passer à l’histoire. Quoique… ! Comment le contester ? L’expérience ne vient-elle pas, par-dessus le marché, nous convaincre que le bonheur et la jouissance ne sont, au fond, que pures chimères, qu’illusions ? Vaines attentes le plus souvent déçues ? La vie, au fond et en réalité, n’est-elle pas que chagrins, solitudes, peurs, désordres, conflits ? Et angoisses ?
Mais « supposez », dit avec cœur le jésuite indien, Anthony De Mello, « que quelqu’un vous donne les moyens de résoudre tous ces problèmes et de mettre fin à cette incroyable dépense d’énergie, de santé, d’émotions qui découle – plutôt peut-être – du conflit, du désordre et de l’imagination », aimerions-nous cela ?
« Imaginez », continue De Mello, « que quelqu’un nous montre comment aimer les autres », comment aimer la vie et en attendre beaucoup, comment ne pas céder à la paresse et au désordre mental, aimerions-nous cela ?
Je crois avec notre auteur que rien n’est moins sûr. Je crains de penser que nous désirons le bonheur, nous désirons la belle vie mais que nous n’en « voulons » pas. Peut-être « désirer » est-il une autre façon de se faire plaisir par l’imagination, mais qui ne mène à rien ; l’expérience nous le prouve. C’est vouloir qui fait toute la différence.
Maintenant, si l’on prenait de la hauteur par rapport à ces considérations, qu’est-ce que nous serions amenés à dire ?
Que Novembre n’a pas en lui-même le pouvoir de nous plonger dans l’angoisse en nous privant de tout ce qui fait le sel de la vie, la lumière, par exemple.
Que cultiver notre détermination à être heureux n’a rien à voir avec un désir flou d’une vie sans soucis.
Qu’il est urgent l’apprentissage de cet art du bonheur, sans douter, par paresse et pusillanimité, du résultat de l’effort.
Qu’imaginer Destin, ou Hasard comme maîtres de ma vie, c’est paresse et pusillanimité. Ou même, pur ressentiment.
28.11.2021
Quand on a Jésus comme berger