J’ai eu la chance en fin d’août de faire ma 3e marche pèlerine avec une amie complice. Marcher à deux sécurise mais surtout permet d’aller plus loin, d’avoir un regard plus grand, de partager un vécu au-delà des mots.
Avec un peu de recul, ce qui m’impressionne le plus c’est de voir oh combien chacune de ses marches fut différente tant au niveau des paysages rencontrés qu’au niveau de l’invitation intérieure.
En fait, ce qui interpelle lorsqu’on n’a rien d’autre à faire que de marcher dans la journée, c’est d’abord le corps qui envoie parfois des messages de révolte (fatigue, douleur aux pieds, aux épaules…) ou de résilience (le sac à dos devient moins lourd au fil des jours). Faire corps avec son corps c’est apprendre à l’écouter, le respecter, faire face à ses limites et s’émerveiller de ce qu’il offre aussi.
Ensuite, le paysage qui nous saisit ou dont on lasse, la route rectiligne ou sinueuse, le sol asphalté ou boueux, les rivières limpides ou brunes, la température fraîche ou torride, les maisons fragiles ou solides, somptueuses ou simples, les églises ouvertes ou fermées mais surtout celles qu’on nous ouvre, le repas élaboré ou minimal, les nuages, la pluie, l’arbre qui offre son ombre furent autant de compagnons de route tout comme l’aigle, le héron blanc, la colombe ou la guêpe.
Et que dire des gens que l’on croise et qui deviennent phares à leur manière. La force de leur témoignage trouve écho lorsque nos cœurs sont avides de rencontres et ouverts à l’autre, parfois par nécessité ou par la grâce de l’instant.
Chaque évènement ou rencontre devient prétexte à un dialogue intérieur, à un questionnement. Comment réagir lorsqu’on est empêtré ? On ressent dans nos trippes la nécessité d’avancer même si c’est vers un inconnu. Osera-t-on interpeller l’autre pour un peu d’eau, un coin d’ombre et se rendre compte qu’on reçoit tellement plus que ce qu’on a demandé ! Reconnaître nos fragilités, être invité à évaluer la solidité de ses fondations, goûter à l’accueil et devenir lieu d’accueil à son tour. Parfois on creuse en marchant, parfois on a des ailes…
Curieusement ce dernier chemin, celui de la marche autour du lac St-Pierre, ne fut pas du tout tel que nous l’imaginions au départ. Et s’il n’a pas suscité le même émerveillement par ses paysages que celui de Notre-Dame de Katapakan ou de Compostelle. Il nous a mené ailleurs car le sacré transcendait l’esthétique et nous rejoignait autrement, en dehors de toute attente et bien au-delà.
La marche pèlerine c’est l’appel à s’arrêter autrement pour mieux sentir, écouter, voir et prendre le temps de rendre grâce pour tout cela. C’est aussi la confiance qui donne l’élan et dynamise nos pas sans savoir clairement où ils nous mèneront.
On peut passer au travers du quotidien, amasser ou brasser l’inutile et ne pas goûter à l’essentiel. Une perspective nouvelle en changeant de cadre facilite certes la prise de recul nécessaire. Il en va de même pour nos réactions qu’on a le temps de soupeser pour réajuster nos balances. Une meilleure connaissance de soi implique un regard plus juste et bienveillant. Ce travail laisse une empreinte indéniable, indélébile.
Maintenant l’heure est à marcher chez moi en créant cet espace d’ouverture qui permet de se faire interpeller par ce et ceux qui m’entourent au quotidien, forte d’une confiance d’y puiser un substrat vital pour l’âme. Chercher toujours ce qu’il y a de nouveau sur le chemin car chaque jour peut être lieu de découverte.
Cette invitation est envoyée à chacun ( e ) avec celle de LE trouver en travers de notre route, le plus souvent possible, comme Guide, Compagnon, Source de Vie.
Ann Montreuil, Éditorialiste au Montmartre à Québec
PÂQUES-LE TEMPS DES PASSAGES