Le 18 août 2024 20e dimanche du temps ordinaire, année B – Jn 6, 51-58
Après le signe de la multiplication des pains, Jésus a regagné Capharnaüm. Là, à la synagogue, dans un long discours, il en donne le sens. Le pain qui est descendu du ciel, c’est la nourriture qui donne la vie éternelle. Jésus va plus loin : ‘Le pain que je donnerai, c’est ma chair. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle.’ Comment comprendre ces paroles ? Les auditeurs de Jésus sont déboussolés, peut-être nous aussi.
Il est frappant de repérer des mots qui reviennent souvent dans l’évangile que nous venons d’entendre : manger, pain, vie éternelle, chair, sang, demeurer, ressusciter. Il semble que pour bien comprendre, il faut les articuler, les enchaîner, en voir la progression.
Il est tentant de dire que c’est une explication de l’eucharistie que nous célébrons puisque dans l’évangile de Jean il n’y a pas de récit de l’institution lors du dernier repas. Nous nous souvenons qu’y prend place plutôt le lavement des pieds des apôtres. Mais on ne peut parler de l’eucharistie avant la passion, la mort et la résurrection du Christ. Ce serait un anachronisme. Ces paroles ne peuvent donc être celles de Jésus sur l’eucharistie. Voyons plutôt.
L’évangile de Jean est le dernier qui soit mis par écrit, entre l’an 90 et 100. A cette époque, les chrétiens partagent déjà le pain lorsqu’ils se réunissent le premier jour de la semaine, en mémoire du Seigneur qui est ressuscité un dimanche. Même les Juifs qui sont venus à la foi au Seigneur ne fréquentent plus la synagogue. On peut dès lors parler de liturgie eucharistique. Ainsi, Jean l’évangéliste peut bien ultérieurement mettre dans la bouche de Jésus les mots qui donnent le sens profond du pain de vie, de la chair donnée et du sang versé, en un mot le sacrement de notre salut dans le Christ. Parce que communier au corps et au sang de Jésus, comme nous le faisons souvent, est indissociable de la souffrance, de la croix et de la résurrection du Sauveur. Le comprenons-nous bien? Comme nous l’entendrons dimanche prochain, plusieurs disciples ont été scandalisés par les paroles de Jésus et l’ont quitté.
Immanquablement me revient alors à l’esprit cette icône qui ornait l’église de notre sanctuaire à Jérusalem. On y voit Jésus au milieu de deux groupes de disciples : l’un tourne le dos à Jésus, ils le quittent. L’autre groupe met en évidence Pierre, dépeint avec une clé à la ceinture. Jésus leur demande : ‘Allez-vous me quitter vous aussi ?’ Pierre répond au nom de tous: ‘A qui irions-nous, Seigneur; tu as les paroles de la vie éternelle.’ C’est beau, non ? Quelle belle profession de foi. Eh bien, c’est le même Pierre qui, un peu plus tard, reniera le Christ par trois fois. Pour moi, cette icône c’est toute la fragilité de notre foi. Un jour, tout nous paraît clair et lucide : Jésus est notre libérateur. Et puis soudain, plus rien : nous avons perdu les repères, les assises de notre foi. Comme Pierre, nous sommes des êtres fragiles pouvant basculer à tout moment. Comment ancrer plus solidement notre attachement au Seigneur ?
J’ai trouvé une clé dans le texte d’évangile d’aujourd’hui, une expression qui peut nous dire clairement pourquoi nous tenons à recevoir la communion quand nous venons à l’église. Cette expression, c’est demeurer en lui. Je reprends la phrase au complet : ‘Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi je demeure en lui.’ La communion au corps et au sang de Jésus nous permet de demeurer en lui, de nourrir cette intimité avec celui qui donne un sens à notre vie, celui qui connait le fond de notre cœur, qui marche à nos côtés dans les moments difficiles (la maladie, la précarité financière, un deuil, les incompréhensions), comme aussi dans les moments plus exaltants de nos vies.
Oui, l’eucharistie est un grand mystère que nous ne cesserons jamais d’approfondir. Jésus est le pain véritable et la vraie boisson dont nos cœurs ont besoin pour grandir dans notre vie de foi. Ce cheminement spirituel, nous ne le faisons pas seuls mais avec des sœurs et des frères en Église, forts de l’amour et du pardon qui nous sont toujours offerts.
Père Gilles Blouin, assomptionniste