Le 10 novembre 2024 32e dimanche du temps ordinaire, année B – Mc 12, 38-44
Pour sa dernière visite au temple, dans l’évangile de Marc, Jésus entre en controverse avec les scribes à qui il reproche leur manque de modestie, de simplicité, leur style ostentatoire dans les synagogues ou les repas de fête. Ils se donnent ainsi en spectacle devant les foules. Chez nous, on dit des ‘m’as-tu vu’… Pire, ils volent les biens des veuves, ces femmes pauvres puisqu’elles n’ont plus la protection d’un mari.
Justement, il s’en présente une dans la salle du Trésor, cet endroit dans le temple où les gens déposent leurs offrandes. La pauvre veuve y verse deux petites piécettes d’argent, une obole ridicule. Mais Jésus en fait l’éloge: cette femme a donné non pas de son superflu mais de son nécessaire. La modestie de son geste est tout en contraste avec la superbe des scribes et des pharisiens.
Pourquoi Marc raconte-t-il cette histoire? Il écrit sans doute une quarantaine d’années après les événements alors que le temple n’existe plus. Y a-t-il dans sa communauté de Rome, où il rédige son évangile, des chrétiens qui cherchent le pouvoir, à se faire voir? Cela serait étonnant puisque les chrétiens sont perçus comme une secte juive qu’on a exclu des synagogues. Ou s’adresse-t-il à nous aujourd’hui pour nous éviter la même hypocrisie que Jésus reprochait aux scribes et aux pharisiens? Si le chapeau nous fait, ne regardons pas ailleurs.
Le chemin de vie chrétienne décrit dans les béatitudes est d’un tout autre ordre : ‘Heureux les pauvres, les doux, les purs, les artisans de paix, les assoiffés de justice…’ On reconnaît là notre pauvre veuve. Dans la simplicité de son geste, elle cadre bien avec ce peuple des anawim, ces humbles gens qui ont reconnu en Jésus l’Envoyé de Dieu.
Prenons l’exemple d’une autre veuve, celle que le prophète Élie rencontre à Sarepta. Il ne lui reste pas grand choses à manger, elle et son fils, alors qu’on lui demande de partager le peu qu’elle a. Elle n’hésite pas pourtant et Élie en fait l’éloge en lui promettant que jamais plus sa jarre manquera de farine ni son vase d’huile. Lorsqu’on a peu et qu’on est prêt à tout donner, une pluie de bénédictions vient combler notre confiance. C’est la promesse du Seigneur.
Nous jetons parfois un regard de tristesse sur la situation de notre Église. Il y a peu de prêtres et de religieuses. Ceux et celles qui restent ont atteint la vieillesse. On vend églises et presbytères; il n’y a que les cimetières qui tiennent bon. Nos assemblées sont clairsemées et les ressources financières épuisées. Mais où est notre espérance? Avons-nous perdu confiance en Dieu? Regardons plutôt les pousses nouvelles, ces bourgeons qui annoncent le printemps de Dieu. Non pas avec le prestige et l’éclat de l’histoire passée mais avec la modestie et l’humble grandeur de ce qui vient de Dieu.
Nous vivons dans un temps de purification, d’enfouissement, où il nous est rappelé que la graine déposée en terre doit mourir afin de porter des fruits d’évangile. C’est notre Samedi-Saint, comme nous le rappelait sœur Isabelle LeBourgeois cette semaine. Dans le silence se prépare la joie de Pâques où les ténèbres de nos vies verront se lever la lumière du Ressuscité. Gardons confiance et écoutons l’Esprit qui parle à notre cœur et décille nos yeux pour nous laisser découvrir l’aurore qui se lèvera.
Père Gilles Blouin, assomptionniste