Nous vivons tous et toutes une expérience commune : celle de nous retrouver devant des portes de toutes sortes. Quand je me promène ou voyage, j’aime bien les observer ces portes multiples de tous les designs, de toutes les couleurs.
Les portes marquent une délimitation de l’espace compris entre l’extérieur et l’intérieur, entre l’univers matériel et l’univers spirituel. Ainsi s’exprime Perla Serfaty-Garzon, dans son livre : QUAND NOTRE MAISON NOUS EST COMPTÉE : « La porte est l’un des plus vieux éléments qui organisent l’espace humain. Cette barrière matérielle, thermique, visuelle et acoustique peut prendre la forme d’une claie, d’une planche de bois, d’un panneau de verre ou de métal, etc., pour clore une tente, permettre un accès à travers une clôture, fermer une grotte, une hutte, une maison ou un immeuble. La porte concrétise l’idée de fermeture d’un territoire déjà cerné ».
Toujours nous nous retrouvons devant ou derrière une porte. Cette matérialité de la porte nous aide à lire, à interpréter les territoires, et rendre intelligibles les espaces de nos vies. Cela nous permet aussi de choisir les attitudes et les moyens de nos actions. En ce moment particulier, nous nous retrouvons face à des portes closes. — confinement oblige — et nous nous demandons : « Qu’est-ce qui se trouve derrière ces portes closes ? » Les disciples de Jésus, selon saint Luc, ont vécu aussi derrière des portes closes, par crainte.
J’entends souvent aujourd’hui que, derrière les portes de nos vies, s’agitent les craintes, les angoisses et la peur. Nous affrontons les risques d’intrusion et, l’intrus le plus menaçant c’est la mort. Sans ignorer cette peur bien réelle, nous sommes invités à ne pas tomber sous ses paralysies. Au contraire, rappelons-nous que, même si la mort est une réalité inévitable qu’on ne peut ignorer, la vie ne cesse de nous interpeller.
Nous sommes libres et responsables. Ne laissons pas l’anxiété réduire notre capacité de respiration … L’air frais, lors d’une promenade, peut nous aider, mais aussi les moments de conversation avec Dieu et avec les autres, malgré les distances imposées. Passons de la peur à l’espérance.
Là encore la porte nous guide et nous invite à aller ailleurs. Revenons à Perla Serfaty-Garzon : « Ce déplacement, saut, marche ou cheminement s’opère dans l’espace ; la porte permet le passage d’un lieu à un autre et, pour ainsi dire, d’un univers de signification à un autre ». Pour passer vers ailleurs, nous devons retrouver notre souffle. De tous les niveaux de notre vie, un nouveau souffle nous habite quand quelqu’un nous dit : « Je t’aime! Tu es aimé ». On attribue à saint Augustin la phrase : « Amos, volo, ut sis (je t’aime, je veux que tu sois ». Ce quelqu’un, c’est l’abord et avant tout Dieu qui nous dit cela au plus profond de notre cœur.
Cet amour de Dieu ne se résume pas à une émotion. La porte de notre cœur nous incite à redécouvrir l’amour de Dieu, et des autres. Cet amour donné en Dieu et qui est à la base de tout amour humain est un cheminement, un processus, un exode perpétuel. Le Pape Benoît XVI, dans sa lettre encyclique DEUS CARITAS EST s’exprime ainsi : « L’amour n’est jamais achevé, ni complet ; il se transforme au cours de l’existence, il mûrit et c’est justement pour cela qu’il demeure fidèle à lui-même ».
C’est ce mûrissement qui se passe derrière les portes de nos vies. Je vous convie à prêter attention à cela, ainsi qu’à la parole du Seigneur dans le livre de l’apocalypse : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte… »
Quand le temps du déconfinement viendra et que nous serons invités à ouvrir les portes, que va-t-il advenir de notre vie personnelle, de notre vie communautaire, de notre vie en l’Église et de nos sociétés? Est-ce que nous retomberons dans nos vieilles ornières, ou aurons-nous l’humble créativité de la nouveauté de Dieu ?
Oserons-nous franchir le pas quand les portes ouvriront ?
Édouard Shatov
« Rien n’est impossible à Dieu.»