Pour tout enfant, s’entendre raconter des histoires fantaisistes c’est le bonheur. Le monde de l’imaginaire fantastique est captivant. Les super héros ont une force irréelle sans doute mais projettent l’image que l’impossible devient possible. C’est comme la magie qui laisse ébahi, transporté dans un autre monde où tout va tellement mieux, un monde idéal même s’il n’est pas réel. La créativité et l’imagination nous tirent vers le haut mais, hélas, loin de la réalité de nos vies.
Vous avez lu des bandes dessinées, des livres d’histoire pour enfants : c’est captivant quand nous sommes jeunes. J’avais un neveu et une nièce en bas âge à qui je racontais l’histoire du capitaine Froussard. Lorsque j’ai voulu prendre un autre livre, ils préféraient que je leur relise la même histoire du capitaine Froussard. Je ne comprenais pas pourquoi jusqu’à ce que je réalise que dans leur petite tête, ils avaient déjà campé le décor, gardé en mémoire les dialogues et surtout adoré la magie de la fin inattendue et ahurissante.
Nos politiciens aiment jouer sur ce même registre; ils aiment nous faire rêver, nous laisser entrevoir une réalité alternative, comme on dit maintenant. Cela nous sort du marasme, réel ou imaginaire, dans lequel nous vivons. Nous prennent-ils pour des enfants qui préfèrent se laisser berner par des promesses? C’est un art que d’amener les gens sur une autre planète où tout semble aller mieux.
Je me suis souvenu alors d’un passage des Actes des Apôtres, ce complément à l’évangile selon saint Luc. À la fin des chapitres 2 et 4, l’auteur décrit la vie de la première communauté chrétienne. Je résume : Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. Ils mettaient tout en commun et personne ne manquait de rien. Comment décrire mieux une communauté idéale? C’est sans doute la plus ancienne forme du communisme.
Mais Luc écrit cela quelque 50 ans après les événements et il sait que Paul a dû organiser une collecte auprès des communautés qu’il avait fondées pour venir en aide aux frères de Jérusalem qui vivaient dans une grande précarité. Luc se servait d’une astuce littéraire qui s’appelle ‘mythe des origines’. Qu’est-ce que cela veut dire? C’est de projeter dans le passé une situation idéale que nous souhaitons dans l’avenir. Et il avait bien raison de vouloir que les chrétiens dépassent leurs frustrations de la vie quotidienne pour des relations humaines plus harmonieuses et une vie chrétienne plus fervente.
Oui, nous pensons souvent à notre enfance comme à des jours heureux, sans problèmes. Nous avons une mémoire sélective mais nous projetons dans la réalité de nos jours nos rêves, nos aspirations pour un monde meilleur et même à une vie en Église dépourvue de tensions. Nous aimons les illusions.
Père Gilles Blouin, assomptionniste et éditorialiste au Montmartre à Québec