Billet éditorial, dimanche, 24.11.2024
Monique Lortie, MA phi.
Deux moines zen s’apprêtaient à traverser une rivière à gué lorsque arriva une belle jeune fille. Elle aussi souhaitait traverser mais elle était effrayée par la violence du courant.
Alors, l’un des moines la prit sur ses épaules et la porta de l’autre côté de la rivière. Son compagnon fulminait: un moine ne doit pas toucher le corps d’une femme… Et tout le long du trajet, il ne desserra plus les dents. Deux heures plus tard, lorsqu’ils arrivèrent en vue du monastère, il lui annonça même sur un ton de reproche qu’il allait informer leur maître de ce qui s’était passé.
«Ce que tu as fait est honteux et interdit par notre règle!»
Son compagnon s’étonna: – «Qu’est-ce qui est honteux? Qu’est-ce qui est interdit?»
«Comment? Tu as oublié ce que tu as fait? Tu ne t’en souviens donc pas? Tu as porté une belle jeune fille sur tes épaules!»
«Ah oui, se souvint le premier, en riant! Tu as raison. Mais il y a deux bonnes heures que je l’ai laissée sur l’autre rive, tandis que toi, tu la portes toujours sur ton dos!» (Conte zen)
* * * * *
«Viens vite à mon aide, Seigneur»; «Confions-nous à sa miséricorde»; «Seigneur, prends pitié»; «Ô Christ prends pitié», etc…
Chaque dimanche, la messe s’ouvre sur ces paroles, paroles qui «viennent me chercher» à tous les coups. Comment? Je suis donc si pécheresse que je doive me confondre en demandes de pardon sans même savoir à quel point – et si même – je suis indigne? À quel point j’ai honte de moi et de ma vie? À quel point seule une grande miséricorde, celle même de Dieu, peut me redonner un peu de repos!
Mais voici que cette petite fable zen, cette allégorie, est venue me faire comprendre une grande vérité: Chaque fois que je condamne dans mon esprit un parfait inconnu pour avoir enfreint, tout à l’heure, le code de la route – ce qui m’a fait, en vérité, fulminer de colère. Chaque fois, et à toutes les fois, que je raconte à qui veut l’entendre que mon voisin n’a pas respecté la prudence environnementale l’été dernier. Chaque fois que je rumine mon amertume envers ma belle-mère, cette méchante femme qui raconte des mensonges…
Chaque fois, dis-je, que je commets une telle impatience, un tel jugement, voire une telle colère en catimini et que je me plais à me justifier en pensée, des semaines durant, je devrais me rendre compte que ce non-respect du code de la route, cette indifférence envers l’environnement, cette insensibilité, cette colère au fond, je les transporte en moi, en pensée, des jours, des semaines, voire des années durant. Sans que je ne sois consciente que je deviens indigne par cela même.
Chaque fois, donc, chaque dimanche, avant de m’approcher de la célébration de l’Eucharistie, j’ai de quoi avouer que j’en suis indigne. Voilà pourquoi il est juste, alors, de nous adresser à la pitié et à la miséricorde de Dieu. Non?
Et vous, qu’en pensez-vous?