Comment écrire un éditorial sous un état de choc ? … et il ne s’agit pas ici de rhétorique !
Le psaume 84 me rejoint particulièrement dans les diverses situations de ma vie personnelle, de même que dans celles de l’Église et de la société : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ». Dans nos traductions habituelles, ce verset connaît une douceur étonnante, une harmonie touchante. Or, j’ai appris que la traduction la plus proche de l’originale serait : « Amour et vérité se font face, à contre-face : justice et paix s’entrechoquent ». Il ne s’agit pas ici d’une harmonie utopique, mais d’une rencontre face à face, qui n’est pas toujours facile, mais nécessaire, vitale, pour tout être humain.
Je reçois simultanément deux nouvelles qui me renversent.
D’abord, le lancement du Synode des évêques, le 09 octobre 2021 (Synode qui se tiendra en 2023, sur le thème : « POUR UNE ÉGLISE SYNODALE ».
Ensuite, la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), en France, qui dévoile les abus sexuels à l’intérieur de l’Église, abus ayant causé de graves blessures à des milliers de personnes.
En effet, l’amour et la vérité font volte-face ; justice et paix s’entrechoquent. Deux nouvelles, si différentes soient-elles, m’indiquent la nécessité d’avancer ensemble, de s’écouter les uns et les autres, même si cela entraîne un conflit passager. Puissions-nous refuser une harmonie illusoire et oser opter pour un chemin exigeant, un chemin de justice, de vérité, de pardon, de réconciliation et de guérison !
Le poète Thomas S. ÉLIOT nous appelle à avancer vers une intensité nouvelle, une union plus élevée, une communion plus profonde. C’est aussi l’invitation du Synode : MARCHER ENSEMBLE. Mais, c’est aussi et surtout de reconnaître nos ténèbres personnelles et communautaires, et de poursuivre notre route avec confiance.
Dans sa réflexion, suite au rapport de la CIASE, la théologienne protestante Marion Muller-Colard, membre de la Commission, écrit que la seule voie de la vérité est de retenir ce que nous venons d’apprendre. « RETENIR » est à la fois réducteur et nécessaire. « En marge bruisseront toujours les voix qui ne sont pas parvenues jusqu’à nous, les plus nombreuses. Tenir et retenir cependant, pour que cette blessure ne soit pas seulement la leur, mais la nôtre, notre blessure à tous. Être capable de blessure, voilà la seule voie d’infiltration de la vérité. Car, comme écrit Péguy : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme perverse : c’est d’avoir une âme habituée ».
Puissions-nous ne jamais nous habituer au mal, mais toujours être poussés vers une recherche qui remue nos somnolences, une recherche qui taille une brèche s’ouvrant sur l’infini, sur l’éternel. Cela nous interdit à tout jamais de nous approprier l’autre et de le posséder au-delà de tous les motifs par lesquels nous aurons pu tenter de nous justifier.
Nous sommes invités à contempler l’autre, sans prétendre le posséder, et à rendre grâce pour sa présence dans notre vie. Le temps de la blessure, c’est aussi celui de l’action de grâce.
Je vous souhaite, à toutes et à tous, une excellente fin de semaine de ‘L’action de grâce’ et une Bonne Semaine !!!
Édouard Shatov