Aujourd’hui, foin des Donald Trump et autres Macron de ce monde, foin des pédophiles plus scandaleux les uns que les autres ; foin des débats truqués sur la laïcité, du non moins truqué intérêt que nos édiles portent aux inondations printanières dans les municipalités ; foin des très généreuses primes de départ qui seront, dit-on, versées aux dirigeants – et à eux seuls – de la compagnie d’aviation Air Transat à l’occasion de la vente de celle-ci à Air Canada ; foin des succès en bourse de la commercialisation du cannabis dont le seul intérêt est de corrompre nos petits-enfants ; foin de la ténébreuse affaire étouffée de SNC Lavalin ; foin d’un Justin Trudeau dont on « découvre », avoue-t-on candidement, l’inaptitude scandaleuse à diriger le pays ; foin du non moins scandaleux travail des enfants dans des mines dans lesquelles « nous » avons des actions qui nous rapportent gros – travail de surcroît dont dépend très souvent la survie alimentaire de la famille ; foin de nos ministres et des médias qui parlent régulièrement de la grande, de la très grande, importance de l’éducation… sans en croire le premier mot ; etc., etc…
« Foin de » pour celles et ceux qui auraient oublié leurs classiques est une locution familière, dit le dictionnaire de Littré, dont se servaient un La Fontaine, un Molière, Racine et les autres pour exprimer la répulsion, le dégoût. Ou plus directement, pour signifier « qui pue ».
Si le dictionnaire dit juste, alors de toutes ces choses plus haut énumérées, on en a marre ; on ne veut plus en entendre parler. Elles nous scandalisent, elles nous font peur, elles nous angoissent. N’ai-je pas un peu raison ?
Alors comment s’étonner d’un phénomène que l’on appelle, selon Radio-Canada, selon Frédéric Lenoir aussi : « Le retour, le grand retour de l’ésotérisme ». C’est, dit-on, l’affaire des milléniaux. Mais des études réalisées en France découvrent que le phénomène concerne tous les âges. La divination, la voyance, le tarot, la cartomancie sont très courus. La plus populaire reste bien sûr l’astrologie à travers l’humble horoscope du journal quotidien. Les connexions entre le monde visible et le monde invisible peuvent alors être reconnues, interprétées. Et utilisées dans la vie de chacun. Outil de connaissance de soi, dit-on, modèle explicatif des contextes politiques, force qui nous pousse à l’action via nos émotions alors que notre société rationnelle moderne n’a rien à nous dire qui nous parlerait du sens de notre vie*. Comme s’il révélait un besoin, l’ésotérisme nous parle de l’immortalité de l’âme, la réincarnation, la nature et son âme du monde, la présence des intermédiaires que sont les anges et les esprits entre ce monde difficile à vivre et un au-delà aussi pur que rêvé. L’ésotérisme sous toutes ses formes ne parle-t-il pas, au fond, d’une certaine soif ?
Pourquoi aborder ce thème éminemment profane dans cet éditorial ? Peut-être parce qu’il est révélateur. Ne nous renvoie-t-il pas au bon vieux temps de la piété populaire québécoise ? Celui que certains regrettent, celui dont certains se disent soulagés. Aujourd’hui, on en parle, si on en parle, comme d’une chose du passé. Mais avons-nous eu raison de liquider cette religiosité populaire dont Paul VI déjà reconnaissait le rôle missionnaire tout en mettant en garde – liturgie officielle oblige, – contre les excès possibles. Alors que les églises catholiques se vident sous nos latitudes, et chez nous particulièrement, pourquoi ne pas examiner la proposition suivante : Nous, les humains, avons besoin de toucher, de sentir, d’éprouver ; or les prières et les chants, la visite de certains lieux particuliers, les insignes, les médailles, les images pieuses, les reliques, les processions, sont des choses ou des activités par lesquelles chacune et chacun ressent fortement qu’elle ou il est « relié », et expriment, dit le texte officiel**, « une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître ». « Elles engendrent des attitudes intérieures rarement observées ailleurs au même degré » dit encore le texte. Expression d’une sensibilité, libération d’une sensibilité, pourrait-on dire aussi. Donc…
La conclusion ne coule-t-elle pas de source ? À nous d’en avoir la force, le courage ; et la simplicité.
Monique Lortie
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*Dira le philosophe Husserl dans le recueil intitulé la Krisis, 1954.
** Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations, Cité du Vatican, décembre 2001.
LA RECONNAISSANCE DE L’AMOUR