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Billet éditorial du dimanche, 26.11.2023
Monique Lortie
Que voilà un bien grand mot ! Ou peut-être, un bien gros mot !
C’est pourtant un homme d’Église, le cardinal Carlo Maria Martini qui a attiré mon attention sur ce thème. C’était à l’occasion de l’étude philosophique que nous faisons dans nos cours du samedi au Montmartre : la correspondance publiée en 1997 entre Cardinal Martini et le grand sémiologue et romancier (Le nom de la rose) bien connu, Umberto Eco. Un cardinal, et non le moindre, et un savant, l’aventure méritait le détour !
Le titre de cette correspondance déjà, est attirant : Croire en quoi ?
Que signifie cette question dans l’esprit de Martini ?
C’est là que surgit le gros mot de « postmodernisme ». Martini écrit : « Dans le cadre du postmodernisme ambiant, je voudrais savoir et comprendre la justification ultime qu’ils donnent à leurs actes ceux qui ne sont pas croyants, … ceux qui n’ont pas, ou ne veulent pas avoir de fondement transcendant pour leurs actions ? »
« Ceux, en somme, qui refusent de considérer la possibilité de trouver le fondement de leurs actes dans le divin. »
« Ceux qui veulent croire que nulle valeur ou obligation morale n’a le pouvoir de leur dicter leur conduite. »
Ne reconnaissons-nous pas certains traits d’aujourd’hui ?
Or le postmodernisme signifie une telle civilisation marquée par une intolérance à fleur de peau et un choix ‘personnel’ infini. Une civilisation qui refuse de plus en plus, sans même s’en rendre compte, la polarité inscrite dans la nature : père-mère, vrai-faux, nature-société, homme-femme, bien-mal, etc. La réalité, la vérité ne sont que choses temporaires.
On dira que « le monde a changé ». On aura raison puisque selon l’un des penseurs de la postmodernité, « il s’agit de réaliser un changement général de la situation humaine ».
Ouvrons nos yeux : ne reconnaissons-nous pas là les nouvelles « valeurs » de nos sociétés ?
Faisons un exercice : imaginons pour un instant que nous vivons dans un monde qui ne dure que 20 minutes. Pendant ces 20 minutes, nous ignorons complètement qu’il y a un passé – donc pas de souvenirs, pas d’Histoire, pas de modèles.
Enfermés dans une vie qui ne dure que 20 minutes, nous ignorons aussi qu’il y a autre chose après : pas de futur.
Notre postmodernisme ambiant pourrait bien être ces 20 minutes au cours desquelles nous n’avons pas d’autre souci que ce qui me convient à moi, ici et maintenant : je pense ce que je veux, je fais ce que je veux, quand je le veux.
Un fondement transcendant qui me donnerait la force de faire le bien ? Pourquoi faire si le maintenant m’agrée et me suffit ?
Celui-là, demande Martini, où donc, aujourd’hui, trouve-t-il la lumière pour agir selon le bien, seul ciment pour une vie humaine ?
Je crains, hélas, et à y regarder de près, que nous ne soyons, en effet, aujourd’hui, en plein postmodernisme.
Et l’école, ô désespoir, y contribue abondamment.
Bon appétit