Avez-vous visité dernièrement votre jardin secret, vous savez cet espace passablement intime au plus profond de vous-mêmes où vous entassez vos souvenirs, vos moments glorieux et les peines d’un autre âge. Habituellement ce jardin est gardé par une grille ouvragée qui en interdit l’accès aux intrus ou plus simplement aux gens qui n’en reconnaîtraient pas le mystère. Non, ce n’est pas un parc public où tout un chacun peut se promener distraitement.
Ce jardin, c’est l’endroit où vous aimez vous réfugier parce que vous en connaissez toutes les allées, les plantes et les fleurs, le petit étang aussi où viennent s’abreuver les oiseaux. C’est ce que vous avez de plus précieux, c’est pourquoi vous y invitez seulement les personnes qui sauront le respecter et l’apprécier. Des personnes de confiance, quoi. On ne partage pas ce qui nous est intime avec n’importe qui. Cela est réservé aux amis proches qui accueilleront l’invitation comme un privilège, une marque de confiance.
J’en ai fait l’expérience : celui à qui j’ai ouvert mon jardin secret n’a pas hésité à m’inviter dans le sien. On y entre tout doucement sans poser trop de questions. On garde un silence discret et on se laisse guider. On est parfois surpris d’y découvrir des perles mais aussi des blessures. On comprend mieux la complexité et la dynamique intérieure de cette personne. Pas étonnant qu’on y marche sur la pointe des pieds, sans faire de bruit, réalisant en vérité qu’on nous a fait l’honneur d’une visite exceptionnelle.
Cette image du jardin secret est la plus belle explication, il me semble, de ce qu’est la prière. Oui, quand je prie, j’invite le Seigneur à voir les choses en moi qui sont essentielles : les personnes que je lui présente, leur santé, leur famille, leur travail, leurs soucis. Mes projets, mes faiblesses, mes regrets mais aussi mes rêves. Bien plus, le Seigneur me partage lui aussi ce qui le fait veiller tard la nuit ou le réveille au petit matin : la situation dans le monde, les enfants qui vont dormir le ventre vide, ceux aussi qui ont trouvé leur nouvelle résidence à Ste-Justine. Il me parle aussi des petites victoires personnelles d’un chacun qu’il est seul à connaître et qui le font sourire.
La prière me permet de pénétrer au plus secret de mon cœur et de partager avec Dieu ce qui me fait vivre au plus intime de moi-même.
Père Gilles Blouin, assomptionniste et éditorialiste au Montmartre à Québec