7 février 2021 5e dimanche du temps ordinaire, année B – Marc 1,29-39
Lectures de ce jour
«La vie de l’homme est une corvée….» Par les temps qui courent, bien des gens souscriraient à cette affirmation de Job. Il soulève une question difficile : la souffrance a-t-elle un sens ? Question minée, car elle remet en cause Dieu lui-même. Comment concilier l’idée d’un Dieu bon avec la souffrance des innocents, avec la souffrance des enfants ?
Aujourd’hui la Parole de Dieu nous présente trois types de réactions à la souffrance : Job (il se révolte), Paul (par amour, il supporte les obstacles). Quant à Jésus, il combat la souffrance et la dépasse.
La révolte de Job
Job vivait heureux. Immensément riche, estimé de tous et entouré d’une belle famille de 7 fils et 3 filles. En tout, il cherchait à plaire au Créateur, conscient d’avoir tout reçu de Lui. Arrive le malheur, permis par Dieu. Job perd tous ses biens et l’effondrement d’un édifice fait périr ses enfants. Puis sa santé se détériore et son corps se couvre de plaies. Il se retrouve, selon la légende, sur un tas de fumier. . . Il avait tout reçu. Il a tout perdu.
Au creux de son malheur, Job garde confiance en Dieu. Toutefois l’intensité de sa souffrance le pousse à maudire le jour de sa naissance. Scandale, car pour un Israélite, la vie est un don sacré. Les personnes qui ont connu les douleurs intolérables peuvent comprendre Job.
Autour de nous, beaucoup de souffrances. Comme Job, le matin la personne aspire à voir le soir et dans la nuit interminable, elle attend impatiemment le lever du soleil. Les jours s’enchaînent, sans perspective d’embellie. Alors vivre perd son sens et devient, comme l’affirme Job, une corvée. La douleur lancinante, physique ou psychologique épuise les meilleures volontés. Job le ressent et s’en plaint, sans pourtant blâmer Dieu.
Trois des amis qu’il lui reste encore viennent s’apitoyer sur son sort. Au lieu de le consoler, ils le tourmentent et le pressent d’avouer son péché. Dans leur esprit un tel malheur ne s’explique que par une faute grave de la part de Job. Même dans notre monde sécularisé, quand frappe l’épreuve on peut entendre un refrain qui vient de loin : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? »
Job clame son innocence et, au grand scandale de ses amis, veut engager un procès contre Dieu. Ce dernier se manifeste finalement, sans se justifier et Job comprend que la souffrance demeure un mystère qui le dépasse. Dieu ne lui reproche pas sa révolte. Le Seigneur accueille toujours les sentiments que nous exprimons dans la prière. Mais la souffrance demeure toujours une source de questionnements ou de révolte.
Notre société perçoit la santé comme un droit et ressent la souffrance comme une profonde injustice. On n’aime pas voir les autres souffrir et l’on craint encore plus de souffrir soi-même. Réflexe bien humain qui pousse nos sociétés à cacher la souffrance et à la camoufler, loin des regards.
La médecine fait d’énormes progrès. Que Dieu en soit loué ! Mais elle a ses limites. La Covid-19 nous le rappelle. Certains, – et ils sont nombreux, — à défaut d’éliminer la souffrance, optent, « par compassion » d’éliminer le souffrant. . .
Le confinement accentue une autre sorte de mal, intérieur celui-là, qui ronge le cœur, étouffe le goût de vivre et pousse parfois des personnes à mettre fin à leurs jours. Existe-t-il un remède pour atténuer ce mal de vivre ?
Paul et son engagement
Paul se bat pour faire connaître la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité. « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! »
Poussé par son amour du Christ et des autres, Paul ne se laisse pas arrêter par les difficultés : prison, torture, naufrages, trahisons, etc. Il évite les coups quand il le peut, mais les menaces n’entament pas son zèle.
L’amour permet d’affronter les difficultés. Des parents s’imposent de lourds sacrifices pour leurs enfants; une personne renonce à sa liberté par amour du conjoint ou d’un parent âgé dont il faut s’occuper. L’amour donne des forces, comme ce fut le cas pour Paul.
Par amour du Christ et par amour de ses frères et sœurs Paul se fait « tout à tous » afin que le plus grand nombre puissent entrer un jour dans le Royaume dont la souffrance sera bannie.
Attitude de Jésus face à la souffrance
Jésus, on le remarque, soulage les misères qu’il rencontre. Saint Marc décrit une journée-type dans la vie de Jésus. Elle débute le jour du sabbat, jour où à la synagogue on écoute la Parole de Dieu et où l’on chante les louanges du Seigneur.
Le soir venu, — le sabbat se termine au coucher du soleil, — on apporte à Jésus malades et possédés. Il soulage les uns, libère les autres et enseigne à la foule. Au petit matin, il se réfugie dans un lieu à l’écart pour prier.
Sa mission, annoncer la bonne Nouvelle et soulager les misères, se déroule donc entre deux temps de prière : deux temps de contact direct avec le Père : il demeure « branché » sur le Père. Apprenons à notre tour à insérer nos engagements entre des temps de prière, de contact avec le Seigneur. Sans prière, l’engagement s’essouffle vite.
Comment Jésus répond-il à la souffrance ? Tout d’abord en soulageant les malheureux qui croisent sa route. Il incite ses disciples à faire de même. Pensons à la parabole du bon Samaritain ou à celle du jugement dernier où Il s’identifie à la personne en besoin. Aux justes de la parabole qui s’étonnent de l’avoir nourri, vêtu, visité, etc., Il répond : « En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait!» Mt 25, 40 Tob.
On serait tenté de limiter la souffrance aux maux du corps. Or Jésus ne se limite pas aux besoins matériels. Saint Marc nous dit : « Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux. Parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. » Nourrir l’esprit et le cœur, tel est son premier réflexe.
Mais surtout, Jésus affronte lui-même la souffrance lors de sa passion, un concentré de la souffrance humaine : abandonné, trahi, ridiculisé, torturé, et Il éprouve le sentiment d’être abandonné par Dieu. Comme nous, il craint la souffrance. Au jardin des Oliviers il avait demandé : «Père, si tu veux écarter de moi cette coupe… Pourtant, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise » Lc 22, 42 Tob. Et, sur la croix il laisse échapper un cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Jésus entre dans la mort, non comme la chute dans le néant, mais comme un passage vers le Père. il ouvre la brèche qui permet d’entrer dans la vie éternelle. Il révèle ainsi que nos souffrances, si intenses qu’elles puissent être, ne ferment pas notre avenir. Souvent pour celui ou celle qui s’assume, elle libère intérieurement. Les épreuves nous font mûrir.
La souffrance que nous rencontrons nous en fait découvrir une autre, celle de Dieu. Est-ce possible ? Les parents qui voient leur enfant se détruire en sombrant dans la délinquance ou autrement, en souffrent plus que lui, car ils l’aiment. Le conjoint qui, impuissant, voit l’autre ruiner sa santé par l’alcool en souffre parce qu’il l’aime. Et nous, qui ne cessons d’affirmer que Dieu est amour, reste-t-il indifférent lorsque nous gaspillons les talents reçus ?
Conclusion
Chacun et chacune d’entre nous connaît son lot de misères. Comme Jésus, apprenons à soulager celle des autres, la nôtre paraîtra alors moins lourde. Que le Seigneur nous donne le courage d’affronter les épreuves, gardant en tête qu’elles nous préparent à entrer dans le Royaume d’où sont bannis la souffrance et les pleurs. C’est cette force intérieure que nous venons chercher dans notre participation à l’eucharistie.
AMEN.
Marcel Poirier
Libération, sagesse et authenticité en Dieu