Billet du dimanche 9.10.2022
Monique Lortie, M.A. phi.
Lorsque nous mangeons dans un autre but que celui de ne pas mourir de faim, écrit Pascale Seys, la philosophe belge, lorsque ce rituel est fait de partage, de commerce avec les autres et de sociabilité, prendre un repas nous élève à une dimension supérieure : en étant hôte ou accueillis, « nous nous situons dans un esprit d’ouverture au monde et notre unique souci est l’écoute des joies et des doutes de celles et ceux avec qui nous partageons ces plaisirs ».
C’est là d’ailleurs que réside toute la magie de la table, autour de laquelle, et tour à tour, l’un parle et l’autre écoute. Savoir écouter, selon une citation de Léonard de Vinci – citation grand public, il est vrai -, « c’est posséder outre le sien, le cerveau des autres ».
C’est pourtant Épictète, ce philosophe antique (années 50 à 125 de notre ère) qui a, en ces matières, le dernier mot, il me semble. Épictète, qui n’était pas comme nous, Modernes, obnubilés par le cerveau, cet organe, matériel comme tout organe, auquel on s’attache aujourd’hui ; Épictète, lui, évoque plutôt pour ces moments de grâce l’image d’un Banquet.
Ici on ne peut pas ne pas se rappeler l’ouvrage phare de Platon, le Banquet, justement, au cours duquel l’illustre penseur nous présente un dialogue flamboyant sur l’amour. Comme si vivre l’expérience de l’amitié entre les convives d’un repas était déjà vivre l’expérience de l’amour…
Déployons ici une analogie avec les paysages de l’automne québécois, Quoi de plus gratuits, de plus majestueux, de plus lumineux, de plus « banquet » que ces arbres dont les feuilles encore abondantes se gorgent de couleurs au mois d’octobre !
En réalité, pourquoi resterions-nous sourds à ce luxe de la nature ? Pourquoi ne pas devenir polis et attentifs envers tous ces arbres qui nous offrent leur banquet annuel ? Cette fête colorée est, elle aussi, faite de partage et de rituel ; mais cette fois, c’est la Nature qui est l’hôtesse.
Et de même que prendre un repas dans la pure amitié nous élève « à une dimension supérieure », de même, lorsque nous nous engageons dans un paysage coloré de nos automnes, « nous nous situons dans un esprit d’ouverture au monde ».
Il est alors tout aussi possible de dire que notre unique souci est d’être à « l’écoute » des émerveillements, des plaisirs et des joies que cette abondance multicolore nous procure. C’est là d’ailleurs que réside toute la magie de la couverture forestière de chez nous en automne. Savoir écouter cette nature, c’est savoir goûter la magie du banquet quasi surnaturel auquel l’automne nous invite.
Cette fois, une autre question alors devrait nous tenailler : Pourquoi toute cette richesse, cette beauté, cette magnificence ? Pourquoi ? ou Pour quoi ? ou mieux, Pour qui ? Pour qui le monde est-il beau ? Il me semble qu’une réponse pas trop bête serait : Pour nous. Et tout simplement pour nous faire plaisir. Qu’en pensez-vous ?
Une miséricorde qui déborde la loi