« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »
La Peste chinoise, – la Peste qui vient de Chine, le virus qui vient de Chine, l’Ennemi invisible, ou encore, comme nous la nommons aussi, le Covid -, est venue chez nous, chez nous tous, devrais-je dire, nous les malheureux citoyens et citoyennes du monde entier. Et nous cherchons, nous aussi, les coupables. Car – il faut le savoir pour soulager notre colère actuelle – déjà lors de la première mention de la peste (loimos) en Grèce, des quelques 425 ans avant notre ère, le désarroi avait amené les gens à chercher « celui » que l’on reconnaîtrait coupable d’avoir offensé les Dieux. C’est que, chères compagnes et chers compagnons d’infortune, dans l’incompréhensible malheur, il faut trouver un coupable. La littérature en témoigne universellement comme on le verra par ce morceau de Jean de La Fontaine tout en bas. Quand tout a été dit, jusqu’aux plus étonnantes inepties que les journaux du jour relaient sans vergogne, il faudrait, selon moi, revenir aux sages.
Mais il y a sages et sages. Que faudrait-il penser de la proposition d’André Comte-Sponville, un qui fait profession de sagesse, quand il a déclaré publiquement sur une chaîne française (Europe 1, juin 2020) que « Tous les morts ne se valent pas » et que devant la covid, les jeunes ne devraient pas se sacrifier au bénéfice de leurs parents et de leurs grands-parents ? Que faut-il penser maintenant du Journal de Montréal du 15 janvier dernier qui reprend cette affirmation comme un exemple d’une pensée philosophique du Covid ? (C-S a tenté de rattraper son propos peu après mais mollement.)
Que faut-il penser aussi d’un autre philosophe, riche et célèbre, Bernard-Henri Lévy, qui dans un récent ouvrage publié en 2020 envisage le monde sous son rapport au mal, et l’épreuve du Covid sous l’angle d’un Dieu-providence qui viendrait repenser le monde à neuf ? Et qui s’indigne du « rôle joué par le pouvoir (sic) médical qui s’est « substitué » au politique »… (Ce virus qui rend fou, 2020)
On n’est pas loin de La Fontaine, là ! Quoique chez La Fontaine, tout est métaphore !
Heureusement qu’il y a des penseurs comme le bien connu Alain Deneault et son collègue Guillaume Wagner qui voient la pandémie actuelle et son cortège de souffrances, comme une crise, un arrêt, qui devrait nous « servir à repenser le propre des relations humaines. » (JdM, 15.01) C’est, selon moi, déjà mieux mais je reste sur mon appétit ; pas vous ?
LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE (Jean de La Fontaine)
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Etc…
MONIQUE LORTIE, M.A. phi
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Le Chemin de la Confiance