Nous avions décidé de prendre quelques jours de vacances et visiter la côte sud de la Nouvelle Écosse. On nous avait vanté ses panoramas grandioses et les couleurs magnifiques de la fin septembre. De plus, la circulation serait bien plus fluide qu’en pleine période touristique. En effet, les premiers jours furent fantastiques : le bleu de la montagne se reflétait dans l’océan Atlantique et le soleil, en ce temps de l’année, donnait à l’ensemble du décor une touche mystérieuse. C’était sûrement un très bon choix.
Peu après le village de Cap-aux-Chats, nous tombons sur un immense panneau orangé annonçant : Route barrée, travaux majeurs du 1er septembre au 1er mai, détour de 145 km. Oups! Il nous fallait quitter la pittoresque route du bord de mer et entrer profondément dans les terres à travers une forêt très dense. En consultant la carte routière, nous trouvons bien un premier village à 19 km, St-Félix-de-Chester, puis un autre village 47 km plus loin, Cambrai.
Nous passons St-Félix avec sa trentaine de maisons… Pas une boutique ni station-service; pas un petit restaurant ou une école. Wow! Nous continuons la route espérant que Cambrai allait nous offrir un peu plus à voir. Eh bien, nous avons pu y trouver un petit restaurant qui n’avait l’air de rien : La Table du Camionneur. Un couple dans la soixantaine avancée nous y accueille et nous indique l’unique plat au menu : nourriture simple, riche et abondante. Ils avaient la conversation facile, habitués sans doute à s’intéresser à la vie des gens qui passaient par là. Ils parlaient aussi volontiers de la vie de leur petit village acadien (ils étaient tous les deux bilingues). Il se dégageait de leurs personnes une simplicité, une générosité et une vérité remarquables. Au point que nous n’étions pas pressés de partir, même lorsqu’ils ont voulu s’assurer que nous avions assez d’essence pour compléter le long détour car nous ne pourrions trouver de station-service.
Comme le soir commençait à tomber, ils nous ont demandé si nous avions l’intention de passer la nuit dans leur village. « Vous savez, il n’y a pas d’hôtel ici mais, si vous le voulez, nous pouvons vous offrir les chambres de nos enfants partis depuis longtemps pour la ville. Si un peu de poussière ne vous fait pas peur, ma femme va vous apporter des draps de lit. » Nous étions tellement étonnés que ces gens qui ne nous connaissaient pas veuillent nous traiter comme des cousins éloignés. C’était comme du bon pain chaud…
Un peu plus tard, une fois dans mon lit, je me mis à penser : quand Jésus est né à Bethléem – Ephrata, il est venu dans ce monde là où on ne l’attendait pas. Il est une petite lumière dans les coins les plus secrets de nos vies, un baume sur de vieilles plaies oubliées, un pardon trop longtemps différé, une étincelle de vie dans un cœur qui s’est endurci. Il vient faire des choses neuves. Nous nous étonnons toujours de sa simplicité, de sa générosité et de sa vérité lorsqu’il parle à nos vies de détresse, sans bonheur. Il vient et tout s’illumine à nouveau.
Je vous souhaite, à vous aussi, une route pleine de surprises.
Gilles Blouin, assomptionniste