BILLET du dimanche, 18.09.2022
Monique Lortie, M.A. phi
« Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie.
« La joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal.
Or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, physiquement et moralement.
(…) celui qui est sûr, absolument sûr, d’avoir produit une œuvre viable et durable, celui-là n’a plus que faire de l’éloge et se sent au-dessus de la gloire, parce qu’il est créateur, parce qu’il le sait, et parce que la joie qu’il éprouve est une joie divine. » (H. Bergson, l’Énergie spirituelle, cité par Fernand Dansereau, le cinéaste québécois qui nous a inspiré la réflexion d’aujourd’hui.)
Cet été nous avons fait des jardins, dans la cour ou – en plus petit mais jardins quand même -, sur le balcon. Et si nous avons été attentifs, nous avons pu constater combien la vie est infiniment prodigue quand il s’agit de se manifester et de se multiplier.
Un seul petit pommier quelque part dans un coin de son terrain à Sainte-Foy a donné à mon amie C. des centaines de pommes cette année dans le seul but d’engendrer quelques rejetons pour les années à venir.
On a pu voir nos plants de haricots faire leurs joyeuses petites fleurs, même chose pour nos plans de tomates et de concombres. Non pas par orgueil personnel, non pas par souci de montrer, comme chez les lys et les glaïeuls, leur beauté triomphale, mais pour espérer que quelques abeilles curieuses viennent par inadvertance les féconder. S’assurant ainsi de la suite du monde.
Par inadvertance ? Ces fleurs et ces abeilles ne participent-elles pas, sans même en être conscientes, à la joie de la création ? Ou de la Création…
Le discours des écolos, aujourd’hui tristement alarmistes. nous étourdit et nous angoisse avec la « disparition de la nature, des espèces, de l’homme ». Seraient-ils donc inconscients de l’étourdissante fécondité de ce que l’on craint d’appeler la création ? Fécondité qui a multiplié le vivant depuis la toute première cellule vivante apparue il y a des milliards d’années… De cela, il faudrait rendre compte aussi, et avec la plus honnête des rigueurs.
Aujourd’hui, par souci de méthode scientifique – ou de scientisme – les écolos n’osent pas voir là, dans cette fécondité hallucinante de la nature, dans ce parti pris « joyeux » pour la vie, « quoi qu’il en coûte », une intention et une direction, un plan.
André Frossard, le brillant journaliste, essayiste et académicien français écrivait, il y a quelques années, quelque chose comme : « Le scientifique d’aujourd’hui n’ose pas regarder l’invisible de peur d’y voir quelque chose. »
Et nous ? Et nous qui nous angoissons des nouvelles du jour : épidémies alarmantes dont l’une n’attendrait pas l’autre, gaz à effet de serre, trop de bêtes dans les fermes, trop d’humains sur la planète, trop de bouches à nourrir, etc.
« Restez chez vous, tenez-vous à distance de votre voisin, ne vous réunissez plus en famille, ne faites pas tellement d’enfants, n’utilisez plus votre voiture, restez chez vous. Éteignez vos lumières, achetez local, devenez frugal, frugal, il n’y en aura bientôt plus pour tout le monde… Contentez-vous de peu, ne vous réjouissez plus, l’apocalypse s’en vient. » Aïe !
« Plus d’entrain, partant, plus de joie », avait écrit Jean de La Fontaine.
Où donc est passée la joie ?
Une question surgit : ne serait-il pas éminemment chrétien, aujourd’hui, que de veiller à la joie ? à l’abondance ? À la vie, quoi ! Mais comment ?
L’écoute comme chemin de notre transfiguration