BILLET DU DIMANCHE, 12.06.2022
Monique Lortie, M.A. phi.
Et si l’on disait, avec le philosophe Aristote, que la gentillesse et la courtoisie sont en réalité de la douceur ?
Étonnant, peut-être, lire un philosophe qui vous parle de la douceur, de la gentillesse. Pourtant, le développement que j’ai envie de faire, ici, tentera de montrer combien nous avons, encore une fois, besoin de la philosophie pour nous attaquer à un thème aussi connu (pensons-nous), aussi connu que peu compris.
Il n’est pas rare, dit la philosophe Pascale Seys, d’entendre, pour la tourner en dérision, que la gentillesse est de couleur rose bonbon. Elle serait, aux yeux de certains, « l’indice un peu mièvre signant l’envers de la force, une faiblesse méprisable ». Pourtant…
Pourtant, un regard sur le mot et ses racines indique que ce mot « gentillesse » signifie bienveillance, noblesse d’âme. À l’opposé même de la petitesse et de l’intérêt égoïste dont on caractérise trop souvent aujourd’hui le gentil, le gentleman.
Notre auteure dans la foulée, écrit : « Il y a comme une évidence que les conflits grondent dans les maisons et dans le monde et que les vertus de la courtoisie et de la délicatesse – si elles existent – sont malgré tout trop rares ».
« Si elles existent »… ! Pascale Seys parle alors comme une sociologue et non comme une philosophe. Le sociologue s’intéresse aux cas répertoriés dans une société, c’est-à-dire aux inventaires, alors que le philosophe cherche à découvrir la nature des choses, des actions, des choix de l’être humain.
Dès lors, il nous appartient, dans ce billet d’aujourd’hui, d’essayer de montrer à l’intelligence de la lectrice et du lecteur, de quel côté regarder pour espérer trouver la nature de la gentillesse, de la bienveillance.
Je propose qu’il nous faudrait commencer par nous demander ce qu’est « une vertu » – puisque le mot a été prononcé par notre auteure pour désigner la courtoisie et la délicatesse, autrement dit, la gentillesse…
Et si l’on disait, avec le philosophe Aristote, que la gentillesse et la courtoisie sont en réalité de la douceur ? De la douceur de caractère, douceur de la personnalité. Chez le vénérable philosophe, la douceur n’apparaît pas comme une mièvrerie rose bonbon, comme ce que nous avons vu avec Patricia Seys tout à l’heure : elle est une posture, ou une disposition, une « vertu », qui se tient entre deux états malheureux : la colère et la mollesse. Les mous ne sont pas doux, ils sont tout simplement des mous.
J’en viens à penser que si celui ou celle qui fait montre de gentillesse n’est pas capable, par sa mollesse, de s’indigner, de ressentir de la colère « raisonnable », devant une injustice, alors son attitude sociale est pur mensonge. Et l’on aura raison alors de se méfier de cette personne « si gentille ».
Étonnant, n’est-ce pas ? À méditer…
Enfin, c’est peut-être le célèbre gangster, Al Capone, qui a raison quand il déclare « qu’on peut obtenir beaucoup plus avec un mot gentil et un révolver plutôt qu’avec un mot gentil tout seul » (P.S.). Pas mal trouvé !
Mais si on essayait le mot gentil, imperturbable et doux tout seul sans le révolver, juste pour voir… ?