Éditorial du dimanche, 27 mars, 2022
Monique Lortie, M.A. phi.
Avec avril qui vient, vient aussi l’événement très attendu : la Semaine NumériQC.
Une semaine pour célébrer l’innovation et la créativité technologiques du monde actuel. Faut pas être ignorants du Progrès…
La Semaine NumériQC, c’est une large offre de contenus spécialisés en intelligence artificielle, en données, en e-commerce, en cybersécurité, en réalité augmentée et virtuelle, en culture numérique, en médecine, – oui, en médecine – et en dispositions gouvernementales.
Le Progrès n’attend pas le nombre des années.
Un volet reste en suspens : chaque avancée scientifique, chaque découverte technologique, chaque étape dans la conquête du progrès s’accompagne, inévitablement, de questions morales.
Il reste que…
À côté de savoir maîtriser la nature à son profit, il reste que l’homme a des décisions à prendre.
Des plus graves aux plus banales : dois-je prendre du vin rouge ou du vin blanc avec mon poisson ? Est-ce que je regarde la télé ou je me prends un livre pour lire ?
Mais aussi : puis-je raser cette forêt pour faire paître du bétail afin d’approvisionner la restauration rapide qui rapporte beaucoup d’argent, et donne de l’emploi, ou pas ?
Dois-je mettre l’argent de mon gouvernement dans l’éducation ou dans les routes ? Vais-je voler ou être parfaitement honnête ? Vais-je avorter ou garder l’enfant ? Vais-je dénoncer ou protéger ? Etc., etc.
Mais le problème de la technique, lorsqu’elle met en jeu des programmes d’intelligence artificielle, c’est que les machines sont sans doute bien opérationnelles, elles possèdent indéniablement des aptitudes computationnelles, informatiques ; mais elles sont incapables de faire des choix que nous appelons « moraux », c’est-à-dire précisément des choix qui concernent les valeurs et les principes justement appelés moraux.
Prenons le cas de la voiture autonome, c’est-à-dire sans conducteur humain, le conducteur étant défini comme celui dont le discernement et le bon sens prenaient jusqu’ici des décisions.
Il est vrai que ces voitures « savent » nous conduire à destination pendant que nous lisons un dossier ou regardons défiler les paysages, rêvons, etc.
Mais en cas de danger, en cas d’un accident possiblement mortel, arrive la question morale : qui, du « chauffeur », i.e. la voiture elle-même, avec son « passager », c’est-à-dire vous ou moi, ou du piéton seul sur le trottoir, doit être protégé ?
Nous voilà donc confrontés à ce qui s’appelle un dilemme éthique…
La question pourrait se poser en d’autres termes tout aussi éthiques : est-il juste de protéger une personne (le piéton) et de sacrifier trois (3) occupants dans une voiture ? Qu’est-ce qui est « juste de faire alors »… puisque la situation ne peut recourir à aucune norme, aucune loi, aucune règle fixes…
Supposons que ces occupants, ce soient trois enfants revenant de la garderie : que choisirait le conducteur humain dans ce cas ? le faible piéton sur le trottoir ou les enfants dans la voiture autonome ? Et cette voiture intelligente, que choisirait-elle, elle ?
La voiture intelligente ne sait rien de ces « détails », elle est toujours programmée pour protéger le plus faible…
Qui alors sera réputé responsable de la mort ou du piéton ou des passagers de la voiture ?
– La merveilleuse et implacable machine intelligente ?
– Son concepteur ?
– Personne ?
Oups !
L’éthique joue toujours dans le « ou bien… ou bien ». Or la technologie ne connaît jamais le « ou bien… ou bien » ; elle est rationnelle, uniquement rationnelle*. Dans le cas qui nous occupe, elle est « numérique * ».
L’ère du NumériQc, l’intelligence artificielle, est-ce un progrès ou un piège ? Ou bien une fuite… ? Une fuite de nos devoirs éthiques ?…
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*Numérique : une « information » qui se présente sous forme de nombres, associés à une indication de la grandeur physique à laquelle ils s’appliquent, permettant les calculs, les statistiques, la vérification des modèles mathématiques. C’est tout.