24 mai 2020 Ascension du Seigneur A – Matthieu 28, 16-20
Lire attentivement les 2 textes : Mathieu 28, 16-20 et les Actes des Apôtres 1, 1-11
« Moi, Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
En lisant l’Évangile de Luc on a l’impression que Jésus a été enlevé au ciel dès le jour de Pâques. Par contre, dans les Actes des Apôtres, il précise que Jésus a passé 40 jours avec les siens avant de s’en séparer. “40”, un chiffre symbolique, qui désigne le temps nécessaire et suffisant pour assumer une mission ou passer à une nouvelle étape. Qu’on pense aux 40 ans des Israélites dans le désert, aux 40 jours de marche du prophète Élie pour rejoindre le mont Horeb, aux 40 jours de Jésus dans le désert, etc. En d’autres mots, Jésus a pris le temps nécessaire pour préparer les apôtres à son départ et à leur mission. Et Il est disparu à leurs yeux. Pourquoi ?
L’ascension du Seigneur ne peut être séparée de sa résurrection ; elle fait partie intégrante du mystère de Pâques. En ressuscitant, Jésus échappe à la mort et entre dans une vie nouvelle, une nouvelle forme de vie. Sa relation à notre monde matériel n’est plus la même comme le montrent les différentes apparitions du ressuscité.
La nuée dans laquelle Jésus s’élève, comme aspiré par elle, signifie désormais son appartenance au monde de Dieu. Car la nuée symbolise la présence de Dieu. La nuée qui enveloppe tout et demeure insaisissable. La présence de Dieu, qui nous entoure sans que nous puissions la saisir.
Une voie intérieure
La veille de sa mort, Jésus avait déclaré : « C’est votre intérêt que je m’en aille. » Jn 16, 7
Il fallait en effet que Jésus échappe à nos regards, et cela pour deux raisons : nous amener à le chercher non plus à l’extérieur mais à l’intérieur de nous-mêmes et pour permettre l’envoi de l’Esprit Saint.
Désormais, il ne faut plus le chercher quelque part en Palestine ou en Afrique ou ailleurs. Il ne faut plus le chercher à l’extérieur de nous, mais en nous-mêmes. Désormais, il ne se laisse voir que par les yeux du cœur. Seule l’oreille intérieure peut entendre sa voix et saisir la richesse de sa Parole. Il est désormais avec nous, oui, mais en nous, partout, toujours.
De plus, seul le regard intérieur permet de le reconnaître Jésus dans les traits de mon frère ou de ma sœur ; et l’oreille du cœur me permettra d’entendre ses appels à travers les cris des hommes et femmes qui m’entourent.
Il devait quitter le mode visible. Il le fallait pour qu’il puisse envoyer son Esprit, le Paraclet, le Défenseur, Celui qui peut ouvrir notre intelligence à la compréhension du mystère, Celui qui peut embraser notre cœur et renouveler nos forces.
L’ange a raison de dire aux disciples qu’il ne sert à rien “de regarder le ciel”. Nous devons le chercher à l’intérieur là où son Esprit nous dynamisera et nous poussera à proclamer la Bonne Nouvelle.
Une mission extérieure
Selon Mathieu, les disciples se sont rendus à la montagne que Jésus leur avait désignée et il ajoute une remarque étonnante : « Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. »
Jésus ne le leur reproche pas, comme il l’a fait en d’autres occasions. Pourquoi ?
Le doute. Pas mauvais en soi. Le doute qui laisse affleurer nos questions, – et nous en avons à certains moments, – le doute, signe de notre intelligence limitée; le doute qui oblige à creuser, à approfondir; le doute qui contraint à la foi toute nue, au geste de confiance pure, sans autre appui que la confiance en cet Autre, le Christ. Ce type de doute, de questionnements fait souffrir et fait grandir.
Il y a aussi le doute qui déclenche la méfiance, provoque le rejet et paralyse l’engagement. Que le Seigneur nous en préserve !
Aux apôtres, ces hommes bien ordinaires, qui ne comprennent pas tout, certains encore tenaillés par le doute, à ces hommes Jésus confie une mission illimitée, irréaliste: « De toutes les nations, faites des disciples. »
Ils ont à porter la Bonne Nouvelle “jusqu’aux extrémités de la terre”. Ces onze apôtres, appuyés par quelques dizaines de disciples, y ont cru. Et la Nouvelle a traversé les frontières et rejoint les limites du monde connu. L’expansion du christianisme en dépit de sévères persécutions étonne encore aujourd’hui et nous interpelle.
La même mission nous est confiée, à nous qui, comme certains apôtres, sommes assaillis par le doute, ne comprenant que des bribes du grand mystère de la résurrection. Nous n’avons pas besoin d’aller au bout du monde, en Chine, en Australie ou au Pérou. Au bout du monde, nous y sommes déjà. À notre porte, dans notre rue, des hommes et des femmes ignorent le Christ ou en ont souvent une image déformée.
Annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations ! Défi irréaliste il y a 2000 ans. Défi tout aussi impensable en ce 21e siècle. Pourtant, les apôtres d’alors sont partis, ont quitté leurs habitudes et leur quiétude. Ils l’ont fait dans la joie, même devant les obstacles et la persécution. Ils savaient que Jésus, devenu le Seigneur, était non pas au ciel, mais avec eux. La présence de Dieu les enveloppait.
Quant à ceux qui doutaient encore, ils ont vu l’Esprit à l’œuvre dans les cœurs, apaisant ainsi leurs doutes. Au long de mon ministère sacerdotal j’ai rencontré des personnes qui avaient plus de foi que moi, dont la confiance en Dieu dépassait la mienne. De le constater me fut un encouragement. J’ai vu l’Esprit à l’œuvre, ce qui a conforté mes hésitations. En cherchant à témoigner de notre foi, nous découvrons que l’Esprit est déjà à l’œuvre dans le monde et notre foi en sort raffermie.
En Mathieu, Jésus convie les disciples sur une montagne. Lieu symbolique, s’il en est. Jésus s’y était transfiguré devant Pierre, Jacques et Jean ; là, Dieu s’était manifesté à Moïse et lui avait donné les tables de la Loi ; là aussi, Jésus fut conduit par le diable qui lui offrait tous les royaumes de la terre. Jésus avait refusé de dominer le monde à la manière des puissants. En invitant les apôtres à se rendre jusqu’aux extrémités de la terre, il envisage autre chose. Il leur dit: « Apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. »
Ces commandements, nous le savons, se résument dans le grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Le Royaume de Dieu doit s’étendre jusqu’aux extrémités du monde, mais non par la force, ou mieux, uniquement par la force de l’amour.
Une marche ensemble
Enfin, l’Ascension marque le début d’une grande victoire et fonde notre espérance. Saint Paul l’écrit aux Éphésiens,
« Il a fait de lui la tête de l’Église qui est son corps, et l’Église est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude. »
L’image du corps nous parle. Le Christ est la tête qui ne peut se séparer du reste du corps. Or, si la tête est déjà dans le Royaume, nous qui sommes son corps, nous sommes promis à la rejoindre. Chaque fois que nous formons corps, que nous formons communauté, nous sommes unis au Christ glorieux.
Le mot “ascension” signifie “montée”. Nous portons dans le cœur un désir de grandir, de faire mieux, d’aller plus haut, plus loin. La fête d’aujourd’hui nous conforte dans ce désir. Ce n’est pas un rêve, une vague aspiration. Le Christ nous tire vers le haut et par son Esprit, nous donnera les forces d’avancer, de monter.
Conclusion
L’Ascension nous rappelle que la route pour suivre le Christ est d’abord intérieure. C’est en nous que nous le rencontrons. C’est de l’intérieur que l’Esprit de Jésus nous renouvelle et soutient notre marche jusqu’au bout du monde, une marche que nous entreprenons avec tous les autres disciples de Jésus dont nous sommes le corps.
Marcel Poirier, a.a.
Chant pour la fête de l’Ascension
La Reconnaissance de l’Amour