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GARDER SA LAMPE ALLUMÉE


Billet éditorial, dimanche 12.05.2024
Monique Lortie, MA phi

Si mon « chum », comme on dit maintenant, me déclinait les mêmes mots d’amour semaines après semaines, mois après mois, années après années, les mêmes, je crois que je le quitterais.

De même, lorsque semaines après semaines, mois après mois, années après années on me décline le même Bon pasteur, les mêmes Noces de Cana, le même Fils prodigue, etcetera, cela m’ennuie.

Si rien ne nous étonne, disait le vieux Platon, alors on ne garde pas sa lampe allumée.

Une chose nous a étonnés il y a quelques jours, maintenant, mais on s’en souvient : l’Éclipse solaire. D’un seul coup, nous avons pris conscience, nous avons senti, ou plutôt ressenti jusqu’aux larmes pour certains, l’énormité de cet espace dans lequel nous sommes, les étoiles, les planètes et nous. N’est-ce pas ?

Une petite réflexion spirituelle s’impose : notre univers dont nous ne prenons pas vraiment conscience – on le sait rationnellement mais guère plus – se déplace, se déplace dans l’espace et dans le temps sur des milliards d’années-lumière.

Or la lumière, elle, se déplace à la vitesse de trois cent mille kilomètres à la seconde. Une année-lumière mesure la distance que parcourt la lumière en une année.

Faisons un bref calcul : 60 s. multiplié par 60 m. multiplié par 24 h. multiplié par 365 jrs, multiplié par 300 000 km. Nous trouvons alors le nombre de kilomètres que représente une année-lumière.

Ce qui s’ajoute à cela, et qui s’ajoute à notre étonnement pour peu que nous soyons sensibles et éveillés, c’est aussi le Soleil et la Lune, et les planètes, la Galaxie où nous vivons avec sa centaine de milliards d’étoiles, et la centaine de milliards d’autres galaxies à des distances hallucinantes, les quasars et les trous noirs si chers à nos esprits d’aujourd’hui par les paradoxes qu’ils suscitent, et tant d’autres phénomènes qui défient l’imagination et nous sont encore plus qu’à moitié inconnus ; l’esprit éveillé, dis-je, s’attardera aussi sur la boule minuscule où ont surgi les hommes.

De surcroit, nous savons tous que la Terre n’est pas le centre de l’Univers, qu’elle n’est pas le centre de notre Galaxie, qu’elle n’est même pas le centre de notre système solaire. 

Mais c’est là qu’habitent les hommes. Et les hommes pensent le tout, le tout de l’univers1. 

L’Univers est immense, la Terre est minuscule. Et nous ? Nous ne pouvons même pas nous représenter nous-mêmes à l’image d’un grain de sable. 

Et pourtant, l’homme qui pense le tout arrive à penser à un Dieu responsable d’avoir fait sortir le tout du néant et même, qu’il ait envoyé son Fils pour nous parler d’homme à homme…

Tout ce que je viens de dire ne montre-t-il pas assez combien nous sommes sensibles à l’étonnement ? Combien nous avons de raisons de vouloir garder notre lampe allumée ?

De sorte que, les récits du Bon pasteur, des Noces de Cana, du Fils prodigue, etcetera, etcetera, maintes fois répétés à l’identique d’années en années ont, on en conviendra, de quoi nous ennuyer. Non ? 

Pardonnez mon audace : c’est la faute à l’Éclipse !

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1 Inspiré d’une lecture de Jean d’Ormesson.