Jeudi dernier avait lieu, au Montmartre, une bonne conférence : « L’intelligence artificielle et ses enjeux éthiques ». Monsieur Jocelyn Maclure, professeur titulaire à la faculté de philosophie de l’Université Laval et président de la Commission de l’éthique en science et en technologie (un organisme relevant de la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation au Québec. Monsieur Maclure, à titre de président, est nommé par la ministre elle-même) a entretenu un bon auditoire sur la notion d’intelligence artificielle (I.A.) dont les développements « frénétiques » fascinent, surprennent et inquiètent un peu tout le monde aujourd’hui. Ceux qui sont fascinés, ce sont les créateurs des machines intelligentes ; ceux qui sont surpris, ce sont les « I.A.sceptiques » des années passées ; les inquiets, ce sont vous et moi, les simples mortels.
Quelques bribes : Nous avons appris ce qu’est réellement l’I.A. : c’est, dans les sciences informatiques, la simulation de l’intelligence humaine, capable comme elle, d’analyser, de résoudre, de faire des relations. Cette ambition étant elle-même basée sur l’hypothèse que chaque aspect de l’apprentissage ou toutes autres caractéristiques de l’intelligence humaine puissent être reproduits par une machine. Et le fait est que les machines intelligentes d’aujourd’hui ont fait d’énormes progrès depuis leur invention par l’Anglais Turing au début du 20e siècle. Si j’ai bien compris, leur progrès est chaque année plus exponentiel que l’année qui la précède. On ambitionne maintenant de reproduire le cerveau humain en créant des neurones artificiels et leurs synapses. Le codage qui autrefois devait être conçu par un humain est maintenant dépassé : la machine peut apprendre par elle-même et épater ses concepteurs qui imaginent maintenant une machine qui va se « formater » (évidemment on ne dit pas « engendrer ») elle-même et qui pourra, elle-même aussi, concevoir les nouvelles règles du jeu. Et le « jeu », c’est rendre obsolète l’animal qui se nomme homme. Ou, dit autrement, rendre l’homme « im-pertinent ». – J’ai pensé au Surhomme de Nietzsche !
Le hic, c’est que ces machines ne semblent pas avoir une conscience. Pas encore. Ni d’émotions, conditions que, peut-être par naïveté humaine, nous voyons comme des éléments essentiels à l’intelligence.
Et les enjeux éthiques ? Ils sont tous, en tout cas, c’est ce qui m’a semblé ressortir de la conférence, de nature pragmatique et utilitariste : la valeur de ces machines « pensantes » se juge en fonction de leurs réussites à remplacer ici, le travailleur manuel, là, le spécialiste, là encore, l’ami de cœur, le soldat de première ligne, le juge, l’enseignante, etc. Et l’on excusera les « marges d’erreurs » puisque que ces robots feront le bonheur du plus grand nombre. Et l’on se réjouira de leur efficacité dans des domaines « concrets » comme le juridique, le politique, l’économie, l’émancipation sexuelle, la reproduction humaine, la médecine, l’éducation, etc. Il y a néanmoins ici et là un embarras : à qui imputer la faute lorsque le robot fait une erreur en chirurgie ? au tribunal ? À qui poser des questions si la machine nous a mal noté ? C’est là ce qui s’appelle aujourd’hui : « un enjeu éthique ».
De la responsabilité et de la conscience morales, il n’est pas question, de la dignité humaine encore moins, de la recherche du bonheur, des valeurs, des vertus, nenni. C’est, dit-on le regard clair, la fin de l’homme, c’est le transhumanisme triomphant. Ou ne serait-ce pas plutôt le capitalisme triomphant ?
Ma question : si l’être humain est effectivement capable de s’autodétruire comme homme en s’inventant des outils effectivement capables de le faire, alors que dire à nos enfants de l’histoire du « peuple de Dieu », de l’Ancien Testament, et du Nouveau ? que penser de l’histoire de la Création et du « Au commencement était le Verbe » ? Je ne sais pas pourquoi mais je sens comme une sorte d’inflation orgueilleuse de la part des scientifiques de pointe d’aujourd’hui. Et… une démission des philosophes…
Monique Lortie
lortie.monique@gmail.com
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