Billet éditorial du dimanche, 25.06.2023
Monique Lortie, M.A. phi
L’histoire, telle que nous la raconte Pascale Seys, philosophe, elle aussi, l’histoire donc commence quelque part en Suisse, dans la belle région de Lausanne. Mais l’histoire pourrait tout aussi bien se situer à peu près n’importe où sur la terre.
Un jour, inspiré par un conte russe, Le Soldat déserteur et le diable, un certain Charles Ferdinand Ramuz rédige, en 1927, à Lausanne, une pièce de théâtre sous la forme d’une pantomime musicale avec le grand Igor Stravinsky.
Le « mimodrame » se présente comme une relecture du célèbre mythe de Faust, celui de Goethe, et raconte la quête du bonheur d’un jeune soldat qui échangerait son bonheur ordinaire contre une promesse diabolique d’opulence et d’argent.
Dans la version de Stravinsky, le diable prend la forme d’un chasseur de papillons qui propose à Joseph, jeune soldat naïf, d’échanger son violon contre un livre particulier qui peut être lu par ceux qui ne savent pas lire.
Un marché, dès lors, est conclu de telle façon que le jeune Joseph, sans même s’en apercevoir vend son âme au diable à l’instant même où il lui cède l’âme de son violon.
Ne serions-nous pas, nous-mêmes, des petits Joseph ? Ne sommes-nous pas, comme lui, à la recherche du bonheur vu comme opulence et richesse ? Comme lui, ne cultivons-nous pas l’impression que « quelque chose manque à notre bonheur » ?
Pensons-y un peu : n’associons-nous pas notre bonheur à un délicieux sentiment de satisfaction, à la sensation d’être parfaitement comblé ici et maintenant et pour toujours, à une légèreté qui nous dispenserait de penser la vie réelle ? De penser à la vie comme elle va ici et maintenant ?
S’il est vrai que nous sommes des êtres de désir – qui le conteste ? -, alors par nature notre appétit du « davantage » nous fait désirer un bonheur toujours plus parfait. Comme si nous étions insatiables.
Or ce bonheur, mes amis, sans cesse à la recherche de satisfactions et de sensations agréables, d’un se-sentir-bien, pourrait bien être un pur mirage, en réalité !
Et je crains que pour ces « se-sentir-bien » nous ne soyons prêts, tout comme notre petit soldat, Joseph, à vendre notre âme au diable !
Reconnaissons-nous bien les déguisements du diable quand il se cache dans les distractions, les papotages, la curiositas et…la flemme de lire… ? Se laisser aller à ces « loisirs » pourrait bien être, en effet, « vendre son âme au diable ».
Pourtant, il est si simple, le bonheur ! Dans l’histoire de notre petit soldat, Joseph, on peut lire : « Un bonheur, c’est tout le bonheur. Deux, c’est comme s’il n’existait plus. »
Car un seul bonheur, c’est tout le bonheur. Pascale Seys viendra ajouter à cela : « N’en aurions-nous même qu’un seul, petit, chétif, modeste et mal en point qu’il faudrait le chérir pour ce qu’il est : un bonheur complet, absolu, souverain. » C’est pas beau, ça ?
Et le grand poète, Jacques Prévert, à son tour, rappelez-vous : « On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va ».
Je nous souhaite un été 2023 heureux !
Traversée chrétienne vers l’autre