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Billet éditorial du dimanche 3.03.2024
Monique Lortie, MA phi
Avons-nous déjà pris conscience que la toute première chose qui vient à notre conscience, le matin au lever, c’est le petit-déjeuner ?
Ou plutôt, c’est l’odeur du café et des toasts. Ou plutôt encore, c’est la « pensée » de l’odeur du café et des toasts.
La deuxième chose qui s’impose à notre conscience, sans que l’on ait à la choisir, c’est combien cette personne que j’ai rencontrée, fortuitement hier, à l’épicerie, est mêlée, perdue, sotte, au fond.
Puis nous entreprenons de remplir la journée qui se présente, qui est toute future, en nous remémorant bien en détail cette rencontre… passée.
Ne pensez-vous pas que la meilleure chose à faire, alors, ce serait de retourner… dormir ?
Les humains, disent tout aussi bien le vieux philosophe, Héraclite, et le plus jeune grand scientifique, Albert Einstein – c’est un peu le sujet des Mercredis philosophes de la session Hiver 2024 – en réalité, les humains dorment en plein jour !
Or, qui n’a pas entendu cette injonction à la mode aujourd’hui : « Il faut vivre dans le moment présent. » Cette phrase m’a toujours agacée et je crois que ce qui suit pourra montrer l’étrangeté de notre vie.
Réfléchissons un peu ensemble à partir de l’expérience de nos petits matins1 :
On ne peut analyser le passé que dans l’avenir. On est d’accord, n’est-ce pas ?
Les hommes, par la pensée, font, en somme, le chemin inverse qu’a suivi leur histoire ; la pensée doit « reculer ».
Plus nos jours passent, plus l’on vieillit, plus on en apprend sur notre jeunesse.
Comme si le passé s’éclairait à mesure qu’il s’éloigne.
Même les secrets de la création du monde ne nous seront révélés qu’à la fin du monde.
Les hommes au début ne savaient rien sur l’origine des choses ; ils en savent de plus en plus à mesure que le temps passe, devient et reste le passé.
Question : à quoi sert donc le précieux « moment présent » ?
Répondre à cette question ne serait-il pas décider, ici et maintenant, d’être une bonne et sainte personne ?
Être une sainte personne, encore là, n’est-ce pas un projet, donc un à-venir ?
À quoi sert donc le célèbre « moment présent » ? Et surtout, entre le futur et le passé, où est donc, réellement, le présent ?
1 Avec aussi Jean d’Ormesson, C’est une chose étrange à la fin que le monde, R. Laffont, 2010.
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