Jeune, j’aurais voulu être journaliste. Il me semblait que c’était un métier intelligent. André Laurendeau dont je ne comprenais pas toujours le propos – d’ailleurs multiple – mais en lequel je discernais ce que plus tard on a nommé « une figure exemplaire de l’intellectuel* », me fascinait. Et surtout, surtout, Laurendeau parlait d’éducation. Il en parlait en homme intelligent ne la confondant pas avec le système de lutte au décrochage scolaire d’aujourd’hui*. Puis René Lévesque, celui de Point de mire, qui inaugurait un mode d’analyse de l’actualité lequel, je m’en rends compte aujourd’hui, tenait déjà davantage de l’artefact que de l’analyse comme telle. Et ça plaisait, c’était la force de la télé.
Et puis sont venues Aline Desjardins et Lise Payette. Là, quelque chose était en train de se produire : une nouvelle communication. Celle qui délaissant le jugement et le discernement misait sur le ressenti personnel. C’est ce que Platon aurait assimilé, selon son expression, à « flatter le gros animal. » Et nous, les femmes et les filles, la nouvelle « clientèle » innocente, nous nous sommes scotchées à nos écrans. Le drame, quand il est construit, séduit. L’image médiatisée de la femme dominée a bouleversé, et donc, elle a marché ! L’art a plus de force de conviction que la réalité pure.
Ce qu’on a appelé « les médias » venait de trouver sa force : créer du drame, de l’étonnant, voire même du scandaleux. Qui achètent leurs histoires ? Eh bien, c’est nous, nous tous. – Celles et ceux qui n’écoutent pas à la radio, qui ne regardent pas à la télé, les « nouvelles » plusieurs fois par jour sont priés ici de lever la main ! Ils sont rares.
Le métier de journaliste aujourd’hui consiste à débusquer out of the blue des matières à réveiller la clientèle de ses préoccupations routinières personnelles pour la faire s’animer sur du scandaleux, de l’interdit. Plus la matière est noble, plus l’avilissement sera total et plus le résultat médiatique sera garanti.
Et qui nourrit cet avilissement de notre monde par les journalistes actuels ? Eh bien, c’est nous, nous tous. Avouons que nous avons frémi de plaisir à regarder en boucle les images de DSK arrêté à New York ! Avouons que nous étions impatients de découvrir qui serait la prochaine tête médiatique « dénoncée » par #MeToo ! Avouons que le drame qui secoue le Vatican et l’Église toute entière nous tient lieu de soap opera, ces jours-ci ! Au final qui est-ce qui est avili ? Eh bien, c’est nous, nous tous. Et avec notre consentement, qui plus est ! Pendant ce temps, les Médias exultent, les affaires marchent bien pour eux.
Une question alors demeure : les affaires ? quelles affaires ? Je crains que « les affaires » pour eux ce ne soient l’abolissement de l’Occident chrétien… Si toi, si moi, nous nous laissons avilir, qui réagira pour l’éducation – la véritable éducation morale – des enfants que nous avons, peut-être imprudemment, jetés dans ce monde ?
Quoique, au fond, pourquoi nous préoccuper de ce problème d’avilissement programmé ? L’hiver, enfin, s’en va, la neige fond, le printemps revient ; tout va très bien, Madame la Marquise ! Non ?
MONIQUE LORTIE
* L’historien et journaliste Jean-François Nadeau (Wikipedia)
* Entendu à R.-C. récemment : « Le football est une clé maîtresse pour les études. La preuve, c’est que les joueurs professionnels de football sont tous allés à l’université. »