7 janvier 2024 L’Épiphanie du Seigneur, année B – Mt 2, 1-12
Lectures de ce jour
Le mot « épiphanie » signifie « manifestation », « dévoilement », « révélation ». À qui s’adresse cette révélation ? Quel est l’objet et le but d’une telle manifestation ?
Autrefois, on désignait l’Épiphanie comme la « Fête des Rois », car on identifiait les mages à des rois. Or l’Évangile mentionne des mages, pas des rois, sans préciser leur nombre ni leurs noms. Les peintures qui dépeignent l’Épiphanie nous montrent 3 rois couronnés, avec chameaux, serviteurs, cadeaux, et en arrière-fond, une étoile, tout cela en référence à des passages de l’Ancien Testament. Les personnages s’agenouillent devant l’enfant déposé dans une mangeoire, sous le regard étonné de Marie et de Joseph. Un des « rois » a la peau foncée, signalant que toutes les races participent et on leur donne un nom : Melchior, Balthazar et Gaspard. Cette belle scène bucolique risque toutefois de masquer la signification profonde de l’événement.
Trois mots peuvent résumer le récit : universalité, petitesse et cosmos.
Universalité (ou universalisme)
Le peuple d’Israël attendait fébrilement la venue du Messie, un libérateur. La naissance de Jésus comble cette attente. Mais, l’attitude des Grands Prêtres et des Scribes, laisse déjà entrevoir que tous ne reconnaîtront pas en Jésus le Sauveur tant attendu. En effet, au lieu de guider les mages à Bethléem, où se présente peut-être l’objet de leur espérance, ils se contentent de fournir une indication sur le lieu de la naissance, tel que le prophète Michée l’avait prédit, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes concernés. Étrange indifférence. Leur attitude laisse entrevoir l’incompréhension du peuple quant au rôle du Messie et de la libération qu’il apportera. On peut bien connaître la Parole de Dieu, comme les Scribes et les Prêtres, mais en la recevant comme une réalité extérieure à soi. La Parole de Dieu ne sert à rien si elle ne nous met en mouvement.
Matthieu oppose les bergers et les mages. Les bergers sont pauvres, mais tout proches. Les mages sont riches et instruits. La science et la richesse les contraignent à un chemin beaucoup plus long. On retrouve ici la préférence de Dieu pour les petits et les pauvres. Dieu a choisi le peuple d’Israël, pour que par lui, sa Parole éclaire toutes les nations. Isaïe nous le rappelle : « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. » Paul parle de mystère, non comme une chose que l’on ne peut comprendre mais comme une réalité que l’on n’aurait jamais pu imaginer. . . même aujourd’hui. « Ce mystère, écrit Paul, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. »
À l’époque, chaque peuple honorait ses propres divinités. L’idée que toutes les nations adhèrent à une même foi dépassait l’entendement. Que les nations puissent partager la révélation d’Israël ne s’imposait pas non plus. Ce qui réjouit Paul, c’est que les nations païennes allaient non seulement entrer dans le peuple de Dieu et s’unir à Israël, mais seraient de la sorte unies entre elles. La foi au Christ permettra aux nations de dépasser ce qui les oppose, de faire tomber tous les murs qu’elles ont érigés. La foi en Jésus sera plus forte que tout ce qui les sépare.
La présence des mages, des étrangers, aux pieds de la crèche annonce la venue des nations païennes à la foi chrétienne. Elle dit que Jésus vient pour tous les humains, peu importe leur origine. Le Messie vient pour tous les humains. Désormais, on doit révéler à tous les peuples, qu’ils sont choisis par Dieu et aimés de lui. Les mages, grâce à leur science, découvrent qu’un roi est né et, en suivant l’étoile, ils sont conduits à Jérusalem où elle les laisse en panne. Ils ne savent plus où s’orienter. Ce détail révèle la limite de leur science, de toute science. Les Mages ont l’humilité de demander et la simplicité d’accueillir dans la foi, les indications fournies par la Parole de Dieu. Ils peuvent alors reprendre la route et enfin trouver le roi nouveau-né, objet de leur longue recherche. La science peut mener jusqu’à Jérusalem, i.e. au lieu de la Révélation. Mais c’est par la foi que l’on découvre le Dieu d’amour et de miséricorde.
Israël s’est parfois vu en propriétaire de la Parole, s’attribuant ainsi une prééminence sur les autres nations. C’était lui, le peuple élu. Or, il n’est qu’un intermédiaire. Dieu, par Israël s’adresse à toute l’humanité. Chrétiens, nous sommes devenus, comme autrefois le peuple d’Israël, les dépositaires de la Parole de Dieu. Il nous revient d’écouter les questions de notre monde et communiquer la Parole de Dieu à tous ceux et celles qui cherchent à donner sens à leur vie. Pouvons-nous, osons-nous être l’étoile qui les guidera jusqu’au Christ ?
Le cosmos unifié
Ces hommes, les mages, croient au lien étroit entre les événements terrestres et le mouvement des astres. L’univers forme un ensemble où tous les éléments sont inter-reliés. L’apparition d’une nouvelle étoile annonce un changement majeur sur la terre, elle révèle la naissance d’un grand roi.
Récemment, le Pape François, dans son encyclique « Laudato Si », nous a rappelé que notre planète est une maison commune où tout se tient. Pour les Mages, la maison commune englobe tout l’univers. Les mages ont suivi l’étoile pour rendre hommage à ce nouveau roi. Ils nous invitent à observer dans l’univers les signes de la présence du Créateur au milieu de nous et à nous mettre en route pour l’honorer.
Saint Paul signale clairement ce lien entre la venue du Christ en notre monde et l’évolution de l’univers. « La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu: livrée au pouvoir du néant, …, elle garde l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.» Rm 8, 19-21
Le cosmos demeure en attente de la libération apportée par le Christ. Quel mystère ! En ces temps de guerre et d’insécurité, nous devons garder en tête le plan de Dieu d’unir tous les peuples au-delà de leurs différences et des blessures infligées par l’histoire.
Petitesse de Dieu
La visite des bergers puis celle des mages annoncent l’universalité de la mission de Jésus. Toutefois, le fait de se manifester par la naissance d’un enfant, inoffensif, totalement dépendant, nous révèle quelque chose de Dieu lui-même. Il se manifeste non comme le Tout-Puissant, mais plutôt comme le nourrisson qui a besoin de protection et d’affection.
Certes, Dieu demeure le Tout-Puissant, mais la toute-puissance est celle de son amour, un amour qui ne saurait écraser ou dominer. Dieu se fait petit pour que notre réponse à son amour soit totalement libre. Dieu aime notre monde. Les contradictions qui agitent les nations ne doivent pas nous le faire oublier. Les guerres insensées, en Urkaine, à Gaza et ailleurs ; la domination silencieuse de l’argent qui appauvrit des peuples entiers ; l’indifférence qui neutralise tant d’efforts pour rendre notre univers plus humain, rien de cela ne doit nous faire douter de la volonté du Père de rassembler tous les humains en une seule et grande famille.
La venue du Christ sur terre amorce un changement d’envergure cosmique. Le peuple juif, bouleversé dans ses attentes ; les nations païennes intégrées au peuple choisi par Dieu, et l’univers lui-même libéré de la corruption. Les mages ont dû être surpris de trouver le nouveau roi couché dans une mangeoire. Alors ils ont compris que pour venir à nous, Dieu s’est fait pauvre et petit. Alors ils ont offert en reconnaissance ce qu’ils avaient apporté comme présents : de l’or pour le roi; de l’encens, pour la divinité; et de la myrrhe pour l’embaumement de celui qui va donner sa vie.
Aujourd’hui, nous rendons grâce pour ce « mystère d’amour » où Dieu ouvre son Royaume à tout être humain. Il se laisse envahir par le pauvre et le méprisé (les bergers) ou par les savants et les bien pourvus, comme les mages qui ont la simplicité de quitter leur lieu de confort pour se rendre à la crèche. Ce matin nous nous présentons devant la crèche pour offrir ce que nous avons de plus précieux, notre vie, notre cœur.
Marcel Poirier, a. a.
Se faire serviteur