3 mai 2020 4e dimanche de Pâques A – Jean 10, 1-10
Comment parler de la vie ? Est-ce qu’une parole qui parle de la vie peut être comprise aujourd’hui ? Qui peut la comprendre ? Autant de questions et bien d’autres qui peuvent venir à l’esprit en ce temps de Pâques. Elles s’avèrent lancinantes en cette période où la résurrection du Seigneur est célébrée au moment où sévit la pandémie de coronavirus.
Dans ce contexte, nous entendons, à travers l’évangile, la voix qui nous dit : « Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. » (Jn 10,10)
L’évangile nous parle de deux prises de parole par Jésus à l’adresse des pharisiens. Jésus s’adresse d’abord à eux à travers un langage indirect qui recourt à l’image de l’enclos des brebis. Sa parole signale que la manière d’entrer dans l’enclos est déterminante pour identifier le berger ou le voleur et pour qualifier la relation entretenue avec les brebis. Le mouvement d’entrer par la porte de l’enclos définit la figure du berger ou du pasteur. C’est aussi ce mouvement qui ouvre la relation du berger aux brebis. En plus de la venue du berger vers les brebis, la relation de l’un aux autres comporte l’appel du nom, l’écoute et la reconnaissance de la voix et la marche. Il s’agit donc d’une relation où la rencontre et parole adressée et reçue mettent en marche les protagonistes. Ainsi, le pasteur ou le berger se donne à reconnaître à travers le mouvement de venue vers les brebis par la porte, la parole adressée et l’inscription dans des démarches qui ont une même orientation. En revanche, l’accès à l’enclos qui s’effectue en dehors de la porte signale qu’il s’agit d’un étranger, doublement désigné comme voleur et comme bandit. Incapable de prononcer une parole audible, cet étranger provoque la répulsion.
La parole de Jésus n’a pas d’audience à l’intelligence des pharisiens : « eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait ». Les pharisiens ne s’étonnent pas, ne comprennent pas qu’ils pourraient contrevenir au « vivant », eux qui sont pourtant si défenseurs « de la vie religieuse ordinaire ». Jésus leur rappelle pourtant qu’il ne fonctionne pas de cette façon, qu’il est du côté et dans le « vivant » ; il est la porte qui ouvre, non la porte qui ferme la vie. Jésus s’y prend alors une deuxième fois. Cette fois, il nomme la vie : « Moi, je suis la porte des brebis » ; « Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ». Si la figure du berger n’est pas explicitement nommée, Jésus prend le relais. Il se présente comme l’espace par où la vie est possible, c’est-à-dire là où on peut se mouvoir et trouver pâturage, l’espace où on peut mener la vie ordinaire, l’espace où la vie circule et fait circuler. Il est aussi celui qui vient à l’humain pour que la vie soit possible pour lui, cela, malgré l’éventualité du meurtrier.
À travers la parole de Jésus, il nous est donné de réentendre et de recevoir la vie en nous. Celle-ci se déploie dans la rencontre de Jésus avec chaque humain, dans l’appel qu’il lui adresse en le nommant, dans la suite du ressuscité.
La pandémie nous met devant les yeux que la « vie ordinaire », avec ses aléas, peut se retourner contre « le vivant ». Étrange paradoxe, qui devrait nous étonner. Nous pouvons toutefois considérer que les gestes de solidarité, d’entraide et de soin qui sont posés en vue de la vie en ce temps de pandémie participent de la rencontre et de la vie que Jésus donne aux humains.
Pacifique Kambale
Méditation du 16e dimanche