24 octobre 2021 30e dimanche du temps ordinaire, année B – Marc 10, 46b-52
Lectures de ce jour
L’évangile de Marc, dont nous venons de lire un passage, est le plus court des quatre évangiles, seulement 16 chapitres. Pourtant, c’est celui qui présente le plus de miracles : 17 au total. Ces actes de puissances, comme il les appelle, ont un but particulier : amener les auditeurs à reconnaître que Jésus est le messie de Dieu. Les lecteurs grecs aussi à qui il adresse son évangile. Tout merveilleux que ces miracles soient, ils veulent révéler la grande humanité de Jésus, sa tendresse pour ceux qui souffrent, qui sont dans le besoin et l’attente du salut.
Jésus est en marche vers Jérusalem, le lieu de sa passion, sa mort et sa résurrection, un moment solennel, s’il s’en faut, et il est accompagné non seulement par ses disciples mais par une foule de gens. Il traverse la ville de Jéricho, venant d’au-delà du Jourdain. En sortant de la ville (pour Luc c’est plutôt à l’entrée de la ville), voilà que se tient un mendiant sur son passage : Bartimée, un aveugle, dont seul Marc a retenu le nom araméen qu’il traduit pour ses lecteurs (le fils de Timée). Plus tôt dans l’évangile, Jésus a donné la vue à un autre aveugle, à Betsaïde, au bord du lac de Galilée. Le récit que Marc fait de la guérison de Bartimée est vif et succinct. Nous nous y arrêtons avant d’essayer d’en comprendre la portée.
Le mendiant est assis, au bord de la route. De par sa condition, c’est un exclu, incapable de travailler, de gagner sa vie. Tous les gens de Jéricho le connaissent. Il est dans le noir mais, comme tous les aveugles, ses oreilles sont aiguisées. Il entend la foule qui passe et qui accompagne Jésus. Dans la foi, il reconnait que Jésus peut faire quelque chose pour lui et il crie : ‘Fils de David, Jésus, aie pitié de moi. ‘ Ce mendiant ne doit pas déranger le maître ; on le rabroue pour qu’il se taise, mais lui crie de plus fort : ‘Fils de David, aie pitié de moi.’ Jésus l’entend et demande qu’on le lui amène. Les disciples vont le chercher : ‘Courage ! Il t’appelle.’ Bartimée laisse son manteau et bondit vers le maître. Il se dépouille de son vêtement, de tout ce qu’il a (c‘est la condition pour suivre Jésus) ; il se lève d’un bond, nous dit l’évangéliste, en employant le même verbe que pour la résurrection. Il s’approche et s’entend dire :’Que veux-tu que je fasse pour toi ?’ Comme si cela n’était pas évident. ‘Rabbouni, que je retrouve la vue.’ Jésus ne lui touche pas mais lui dit simplement : ‘Va, ta foi t’a sauvé.’ Aussitôt il retrouve la vue et se met à la suite de Jésus. C‘est sa foi qui l’a guéri mais aussi son courage, sa détermination de ne pas laisser Jésus passer sans qu’il lui procure le salut, qu’il transforme sa vie. Quelle joie, quelle fête pour lui !
Quelle leçon tirée de ce récit plein de vivacité ? Il faut d’abord nous souvenir que ce miracle de Jéricho, cet acte de puissance, a lieu alors que Jésus et ses disciples sont en route vers Jérusalem où se déroulera le drame et la victoire de la rédemption. Sans doute, Bartimée a interpellé Jésus justement ‘Fils de David’, le titre du messie dans la Bible. Mais les disciples ne sont-ils pas aveugles eux-mêmes ? Ils ne voient pas (c’est cela être aveugle) que Jésus sera un messie souffrant. Eux croient plutôt en un messie puissant, victorieux alors qu’ils montent à Jérusalem pour le destin inouï, incompréhensible. Comme leurs yeux sont pesants, leur esprit fermé et leur cœur endurci. Le bond de la foi, ils ne sont pas prêts à le faire, Devant la souffrance et la mort de Jésus, ils disparaîtront. Oui, ce sont eux les aveugles mais ils ne le savent pas. Leurs yeux ne peuvent reconnaître quel genre de messie Jésus est vraiment : le serviteur souffrant, l’Agneau immolé. A trois reprises, Jésus le leur avait annoncé. Non seulement sont-ils aveugles, ils sont aussi sourds. Que vienne l’Esprit Saint pour ébranler leurs illusions et en faire, cette fois, de vrais disciples, des porteurs d’évangile jusqu’aux confins du monde.
Attention ! Nous ne sommes pas à l’abri de l’aveuglement. Ne fermons pas nos yeux à la misère du monde. Ce dimanche missionnaire mondial nous rappelle que nous sommes tous missionnaires depuis notre baptême. La vérité de l’évangile qui nous a été donnée, il nous faut en vivre et la partager. Comment le faire ? Sans doute pas en partant à l’étranger mais plutôt en accueillant l’étranger parmi nous. Les valeurs d’évangile ont tissé ce que nous sommes, notre héritage est un trésor. N’allons pas l’enfouir, l’oublier. ‘Je me souviens’, n’est-ce pas notre devise ? Passons à une mémoire active, celle qui a des mains et des pieds pour aller aux périphéries de notre société. Et ce n’est pas loin, à commencer par nos familles et nos proches. Ne laissons pas l’évangile s’endormir en nous: c’est une parole forte qui peut changer la vie. Comme celle de Bartimée à Jéricho. ‘Fils de David, aie pitié de nous !’
Gilles Blouin, assomptionniste
OSER DIRE « MON DIEU, MON DIEU! » AVEC LE CRUCIFIÉ