« 1 Car voici, le Seigneur, l’Eternel des armées, s’en va ôter de Jérusalem et de Juda le soutien et l’appui, tout soutien de pain, et tout soutien d’eau. 2 L’homme fort, et l’homme de guerre, le juge et le Prophète, l’homme éclairé sur l’avenir, et l’ancien. 3 Le cinquantenier, et l’homme d’autorité, le conseiller, et l’expert entre les artisans, et le bien-disant ; 4 Et je leur donnerai de jeunes gens pour gouverneurs, et des enfants domineront sur eux. 5 Et le peuple sera rançonné l’un par l’autre, et chacun par son prochain. L’enfant se portera arrogamment contre le vieillard, et l’homme abject contre l’honorable. »
Ce texte que mon père m’enseignait dès mon plus jeune âge me bouleversait. Allez savoir pourquoi, je ne l’ai jamais oublié. Il est tiré de l’Ancien Testament, Ésaïe 3. Avec une généalogie comme celle-là, j’ai souvent pensé qu’il était fait pour traverser les âges, faire sens pour toutes les époques, tous les peuples, jusqu’à nous accompagner dans nos choix électoraux les plus actuels. C’est ce que voulait m’enseigner mon père.
Très bientôt aura lieu à Québec une élection partielle dans la circonscription électorale provinciale de Jean-Talon. Un événement, somme toute, banal. Ce qui ne l’est pas, c’est l’extrême jeunesse des personnes dans la course au poste de député, ou, dit autrement, de jeunes gens qui prétendent pouvoir veiller avec toute la compétence nécessaire au bien-être des citoyennes et des citoyens de Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge. Ou dit encore autrement : on a là une belle incarnation de la prophétie d’Ésaïe. Joëlle Boutin (C.A.Q.), a 39 ans, et Olivier Bolduc (QS), 30 ans. Il faut dire, cependant, que deux autres, Gertrude Bourdon (L.) et Sylvain Barette (P.Q.), ont respectivement 64 et 60 ans. Par ailleurs, on a, à Québec, une déjà élue : Catherine Dorion, élue députée Québec Solidaire en 2018 à l’âge de 36 ans. Au Fédéral, nous nous flattons d’avoir à Ottawa, « le plus jeune premier ministre de notre histoire » : Justin Trudeau, qui a 44 ans, a été élu député pour la première fois à l’âge de 37 ans. Un autre chef de parti, Andrew Sheer a, lui, 41 ans. Bref, on est modernes, on est « jeunes ». – Remarquons que la France a actuellement un président de la République de 42 ans, élu à l’âge de 40 ans…
Si l’on croit que la culture s’acquiert avec le temps, avec l’âge, alors il est à craindre que nous ne soyons en train de nous fabriquer un monde sans culture. Or la culture, c’est la sagesse, c’est l’expérience, c’est la connaissance des hommes, de leurs affaires et parfois, souvent, de leur mauvaise conscience. De leurs misères aussi. Patience et longueur de temps… « J’ai peur d’un monde où la témérité sans limites et la culture sans sacré gouverneront (sic). Car ce sera un monde où la démocratie sera en très grand danger », disait en substance un écrivain polonais, Adam Michnik*.
N’allons pas croire toutefois que mon propos, ici, soit pessimiste ou méprisant ; il n’est que l’écho d’une inquiétude qui vient de loin.
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*In Jean-Claude Guillebaud, La trahison des Lumières, 1995.
MONIQUE LORTIE
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L’indifférence