27 février 2022 8e dimanche du temps ordinaire, année C – Luc 6, 39-45
Lectures de ce jour
Luc a rassemblé ici plusieurs consignes de Jésus qui ressemblent à des mises en garde concernant les relations à l’intérieur de la communauté chrétienne. Chose étonnante, on retrouve ces mêmes recommandations dans les évangiles de Matthieu et de Jean, mais elles sont éparses et prononcées dans des contextes tout différents. Si Luc les a rassemblées ici, c’est qu’il voyait un lien entre elles ; c’est donc ce lien que nous allons chercher. Cela nous amène à distinguer deux parties dans ce texte : première partie, une réflexion sur le regard ; deuxième partie, la métaphore de l’arbre et des fruits.
La première partie développe le thème du regard. Il commence par un constat : un aveugle ne peut pas guider un autre aveugle, on le sait bien. Sous-entendu, méfiez-vous : quand vous vous posez en guides, rappelez-vous que vous êtes des aveugles de naissance. La petite histoire de la paille et de la poutre va tout-à-fait dans le même sens : avec une poutre dans l’œil, on est bel et bien aveugles ; pas question de prétendre soigner la cécité des autres. Entre ces deux remarques, Luc a intercalé une phrase à première vue un peu énigmatique : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître. » Cette formation dont parle Jésus, c’est en quelque sorte la guérison des aveugles que nous sommes. C’est bien le même Luc qui a noté que les disciples d’Emmaüs n’ont commencé à y voir clair que quand « Jésus leur a ouvert l’esprit à l’intelligence de l’Écriture » (Lc 24, 45).
Comme Jésus est venu dans le monde pour ouvrir les yeux des aveugles, à leur tour, ses disciples, guéris par lui de leur cécité, ont pour mission de porter au monde la lumière de la révélation. […] Magnifique mission à laquelle les disciples ne pourront faire face que s’ils se remettent en permanence sous la lumière du maître, et se laissent guérir par lui de leur aveuglement.
Luc passe ensuite sans transition à la métaphore de l’arbre et des fruits, ce qui donne à penser qu’on est toujours dans le même registre : le vrai disciple, celui qui se laisse éclairer par Jésus-Christ, porte de bons fruits ; celui qui ne se laisse pas éclairer par Jésus-Christ reste dans son aveuglement et porte de mauvais fruits. De quels fruits s’agit-il ? Évidemment, puisque ce petit passage fait suite à tout un développement de Jésus sur l’amour mutuel, on comprend que les fruits désignent notre comportement ; le mot d’ordre général étant « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». Les contemporains de Jésus comprenaient très bien ce langage, ils savaient que le Père attend de nous des fruits de justice et de miséricorde, des fruits qui sont soit des actes, soit des paroles : « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur », nous dit Luc. En quelques phrases, finalement, Luc vient de déployer tout le mystère chrétien : formé par Jésus-Christ, le Chrétien est transformé dans tout son être : son regard, son comportement, son discours. […]
La première étape de la formation, le B.A.BA en quelque sorte, consiste à apprendre à regarder les autres comme Dieu les regarde : un regard qui ne juge pas, ne condamne pas, qui ne se réjouit pas de trouver une paille dans l’œil de l’autre ! D’ailleurs la paille dans l’Ancien Testament, c’est l’image de quelque chose de minuscule. Souvenons-nous du psaume 1 : la paille est balayée par le vent, elle ne compte pas… Précisément, ne comptons pas les défauts des autres : Dieu, lui, ne les compte pas. « Le disciple bien formé sera comme son maître », nous dit Jésus ; cette phrase vient à la suite de tout le discours sur la miséricorde de Dieu, et sur notre vocation à lui ressembler. Tel Père, tels fils… Le programme est ambitieux : aimez vos ennemis, soyez miséricordieux, ne jugez pas, ne condamnez pas… et toujours, en filigrane, il y a cette affirmation « votre Père est miséricordieux » et vous, vous êtes appelés à être son image dans le monde. Comment témoigner d’un Dieu d’amour dans le monde ? Si nous ne sommes pas à son image ?
Une dernière leçon de ce texte : « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur », nous dit Jésus. Alors, un bon moyen de découvrir le cœur de Dieu et de parfaire notre formation, pour devenir de plus en plus à son image, c’est de nous plonger dans sa Parole !
Marie-Noëlle Thabut