BILLET DU DIMANCHE, 20.11.2022
Monique Lortie, M.A, phi
Il était une fois un philosophe appelé Jacques Derrida.
Ce philosophe, Jacques Derrida, philosophe français d’Algérie, apporte, au siècle dernier, un concept qui l’a rendu tristement célèbre : le concept de « déconstruction ».
Qu’un philosophe se soit plu à soutenir un tel propos me fait honte, mes amis.
Car le fond de l’affaire, c’est ceci : évacuer des lieux publics la mémoire historique.
Mais j’ai tort d’appeler cela un « concept ». Il s’agit plutôt d’un appel à l’action : effacer le passé par des actes concrets. N’est-ce pas aussi étonnant que vertigineux ?
Ces actes que notre philosophe refuse d’appeler « destruction », terme qui ferait peur, s’effectuent comme une sorte de remise en question de l’histoire « officielle » en opposition à une « autre » histoire que la rue revendique d’écrire.
Et quand on dit « la rue », il faut entendre la masse des citoyens non éduqués. Frustes. Les jeunes non encore formés et les ignorants non proprement formés.
Le projet est ambitieux mais sournois : il s’agit de glisser à l’oreille des peuples la question de « qui » se permet d’écrire l’histoire. Question qui devient bientôt : « qui la fabrique » ?
Loin d’être anodine, cette question instaure un climat de soupçon qui tourne vite en désir de tout « déconstruire ». L’astuce est aussi forte que machiavélique, selon moi.
On voit alors monter une profonde intolérance des objets qui représentent cette histoire, notre histoire : statues, monuments représentant, dans les villes, certains personnages dont on a, par le passé, reconnu la valeur ; tableaux et artefacts dans les musées – ces lieux dont la mission est de conserver mémoire du passé.
Or, les effets de la déconstruction des valeurs sur la jeunesse occidentale commencent à se faire sentir.
Dans un essai publié en octobre 2019, les auteurs, Melun et Cornet, sonnent l’alarme. Le livre s’intitule : « Enfants de la déconstruction, Portrait d’une jeunesse en rupture » Dans cet ouvrage, les auteurs osent critiquer les effets néfastes de la déconstruction des valeurs déclarant notamment dans Le Figaro que « la déconstruction des valeurs engendre une société du vide ».
Gravissime !
Mais l’affaire ne reste pas que dans des livres d’universitaires. Cette incitation à tout déconstruire s’impose concrètement aujourd’hui à la fois par sa violence et par son caractère spectaculaire.
On assiste aux États-Unis comme en Europe à des actes de vandalisme et de déboulonnage de statues de certaines figures emblématiques de l’histoire occidentale.
Exemple : dans plusieurs États américains, Christophe Colomb, accusé d’avoir provoqué le génocide des Amérindiens par sa découverte de l’Amérique, est maintenant une cible. Les statues de l’explorateur sont soit décapitées (à Boston), soit arrachées de leur socle (à Saint-Paul) avant d’être jetées dans un lac (à Richmond).
À Montréal, on a exigé de rebaptiser plusieurs rues et parcs à cause de leurs noms qui nous rappellent des personnages que l’on méprise parce qu’ils ne répondent pas à une sorte d’idéal imaginaire actuel. Même Dollard des Ormeaux en a pris pour son rhume parce que sa statue représente « un symbole anti-Amérindien ».
À Londres deux jeunes viennent de jeter de la soupe aux tomates sur les Tournesols de Van Gogh. À Paris, la statue de De Gaule a été aspergée de peinture rouge, couleur du sang, etc, etc.
Et les exemples vont se multipliant, jusqu’au jardin communautaire du Chemin du Foulon, près de nous, dont on a exigé récemment le démantèlement au nom d’une esthétique aussi imaginée qu’intolérante. Déconstruction ici aussi.
Gravissime !
Sur la route d’Emmaüs