Billet du dimanche, 1.05.2022
Monique Lortie, M.A. phi
Le printemps ! N’est-ce pas que ce mot, printemps, sonne chez nous d’une manière toute particulière ? Le mot « été » réveille comme un climat de confort, de stabilité, d’infini presque. Le mot « hiver », lui, nous fait rentrer les épaules, donne le branle à notre courage et à notre ingéniosité, à notre patience.
Les mots, vus ainsi, ne parlent pas à notre cerveau comme la science se plaît à le dire ; les mots parlent à, et de, notre sensibilité, traduisent nos sentiments.
Que désigne, que connote donc le mot « Printemps » ? Je crois que printemps est ce mot qui en français nomme la joie, cette joie à laquelle nous prêtons si peu attention affairés que nous sommes à compter le temps.
N’ai-je pas un peu raison ?
Le philosophe Alain, que j’aime bien, a écrit une belle réflexion sur la joie. Cette réflexion m’a frappée et m’a amenée à examiner de plus près cette joie que j’ai trouvée, moi, dans cette intense saison, le printemps. On jugera si je me trompe.
N’y a-t-il pas, en réalité, de merveilleuses joies dans le printemps – on n’y pense pas assez. Mais on le comprendrait sans peine si l’on remarquait déjà que la joie est contagieuse. Il suffirait que ma présence enjouée, par une belle journée de printemps, procure à mon ami un peu de cette vraie joie naïve pour que le spectacle de cette joie amie me fasse éprouver à mon tour une joie. Ainsi la joie que chacun éprouve lui est rendue en même temps que des trésors de joie mis alors en liberté : « Nous avions en nous du bonheur dont nous ne faisions rien. »
Je n’y avais jamais pensé dans ces termes-là mais déjà cela m’enchante, me réjouit.
En réalité, la source de la joie est en soi-même ; et c’est elle, cette source, qu’il faut réveiller.
Aussi faut-il profiter de chaque occasion extérieure de lumière, de beauté, d’enchantement, d’espoir qu’apporte le printemps : ces émotions extérieures stimulent la joie qui attend à l’intérieur. Elles sont comme une gymnastique pour l’âme.
Au printemps, l’œil ne suffit pas : regardons plutôt avec notre sensibilité ce ciel d’un bleu inénarrable, ces frais nuages qui semblent tout neufs ; prenons la peine de voir les oiseaux qui reviennent construire le nid. Avons-nous le temps de surveiller les bourgeons qui percent les branches ? Au printemps, c’est la vie qui recommence. N’est-ce pas là motifs de joie ?
Mais il faut – il faut – y ajouter la sensibilité…
Il pourrait bien être vrai qu’il faille comme une mise en train pour éveiller la joie. Un paquet de branches sèches semble inerte. Si vous le laissez là, il deviendra terre et rien de plus. Pourtant, dit encore Alain, ces branches toutes sèches qu’elles soient « enferment une ardeur cachée qui leur vient du soleil ». Il suffit d’approcher d’elles la plus petite flamme pour que le brasier crépite.
Il en va de même pour chacune et chacun de nous au printemps : notre cœur en attente s’échauffe, s’éveille et bientôt en surgira un brasier de joie. Cette joie qu’il fait bon offrir à nos amis, cette joie qui est vie !
La bonne nouvelle, j’y reviens, c’est que plus on communique cette joie, plus on devient soi-même heureux. C’est là, à en croire le philosophe, ce qui s’appelle « vivre ».
« Ne laisse pas pourrir ton bois dans ta cave ».
Trois petits mots à la portée infinie