6 juin 2021 Le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, année B – Marc 14, 12-16.22-26
Lectures de ce jour
Dès l’origine de l’Église, les disciples se rencontraient régulièrement pour la prière et la « fraction du pain », autre nom de l’eucharistie. « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. » Ac 2, 42 Tob
En rompant le pain, comme Jésus les avait invités à le faire, ils revivaient les dernières heures de Jésus et le don de sa vie. Ils entraient dans l’Alliance nouvelle. Le mot « mémorial » n’évoque pas un fait du passé ; le mot renvoie à un événement passé, mais qui dure encore et auquel on participe.
L’eucharistie, définie comme « mystère de la foi », est devenue ainsi le centre de la vie chrétienne. Elle récapitule le projet de Dieu et nous fait entrer dans une expérience « cosmique ».
Origines lointaines
Pour comprendre l’importance de la célébration eucharistique, il faut remonter aux origines de l’humanité. Dieu a créé le monde par amour et a confié la création à Adam et Ève. Ils ont voulu être « comme Dieu », — ce qui en soi est le plus bel idéal, — mais ils ont tenté de le faire sans Dieu. Nous connaissons la suite.
Après la chute, le Créateur s’est remis à l’œuvre et a fait alliance avec Noé, puis avec Abraham, ensuite avec Moïse. Autant d’efforts de la part de Dieu pour s’unir à notre humanité. Enfin Jésus est venu pour établir une alliance définitive entre Dieu et nous. « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » Jn 3, 17 Tob
Tel est le but de l’incarnation. Dans son projet, Dieu veut rassembler la famille humaine dans l’amour afin de la diviniser, i.e. lui faire partager sa nature divine. Ainsi, le Verbe s’est fait chair en Jésus; il a partagé notre nature humaine pour nous faire entrer dans son Royaume et nous partager un jour pleinement sa divinité.
La nouvelle alliance que Jésus instaure n’a rien de juridique : elle ne consiste pas en un recueil de commandements et de défenses. Il s’agit d’une Alliance d’amour. Les prophètes la décrivent comme une Loi inscrite dans le cœur.
« Voici donc l’alliance que je conclurai avec la communauté d’Israël après ces jours-là – oracle du SEIGNEUR: je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi. » Jér 31, 33- Tob
Les prophètes ont utilisé l’image des épousailles pour exprimer l’intimité que Dieu veut partager avec l’humanité. Dieu épouse l’humanité pour devenir une « seule chair » avec elle.
Une nourriture transformante
L’eucharistie est un repas, plutôt symbolique, si on considère la petite hostie. L’idée de nourriture demeure pourtant essentielle. Dans un repas, la nourriture absorbée devient l’être de celui ou celle qui mange. Dans l’eucharistie le contraire se produit. Nous devenons ce que nous avons mangé, i.e. le corps du Christ. Si notre cœur y est ouvert.
Le Christ se donne à nous pour que nous soyons lui, pour que sa vie circule en nous et nous rende divins. L’eucharistie mobilise donc tout notre être, notre corps et notre âme, nos mains et notre cœur. Nous avons là toute la beauté du culte catholique qui unit le corps et l’âme, le physique et le spirituel.
Non seulement ce repas nous unit au Christ, – ce qui est primordial, – mais il nous unit les uns aux autres pour former un seul grand corps, le corps « mystique » du Christ ». Ainsi, l’incarnation du Verbe ne se limite pas à Jésus de Nazareth ; elle s’étend à tous ceux et celles qui le reçoivent et forment ainsi le « corps du Christ ».
Par l’incarnation, Dieu veut englober toute l’humanité ; Il veut habiter toute personne. Le Pape François a écrit :
« Le Seigneur, au sommet du mystère de l’Incarnation, a voulu rejoindre notre intimité à travers un fragment de matière. Non d’en haut, mais de l’intérieur, pour que nous puissions le rencontrer dans notre propre monde ».
L’insistance sur la « présence réelle » fait parfois oublier que cette présence réelle dans le pain consacré vise à permettre l’union du Christ avec chaque personne qui communie. Par l’eucharistie, nous qui sommes des êtres de chair, sommes transformés par la « chair du Christ » qui vient en nous physiquement.
« Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie.» Jn 6, 51-52 Tob
Le Christ se donne à nous pour que nous soyons lui, pour que sa vie circule en nous et nous rende divins. L’eucharistie mobilise donc tout notre être, notre corps et notre âme, nos mains et notre cœur. Nous avons là toute la beauté du culte catholique qui unit le corps et l’âme, le physique et le spirituel. C’est tout l’humain, corps et âme, que Dieu veut unir à Lui.
L’Eucharistie transforme l’univers
Le pain, comme le vin, est l’aboutissement du travail humain. Y ont contribué toute une chaîne d’intervenants : le défricheur, le laboureur, le semeur, le moissonneur, le meunier, le boulanger, etc. Le pain, c’est la nature humanisée par le travail des uns et des autres. Or, lors de l’eucharistie, le travail commencé par l’humain, est à son tour divinisé. Le pain devient corps du Christ, i.e. divinisé.
L’eucharistie révèle la grandeur du travail de l’humanité. Nous avons déjà là un 1er motif d’action de grâce. Ce que nous avons commencé par notre travail, Dieu le transforme en réalité divine. Au moment de l’offertoire, le prêtre dit : « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donne ce pain ! Il deviendra pour nous pain de la vie. »
Le geste du célébrant englobe tous nos efforts et notre travail. Le Pape François écrit : « Uni au Fils incarné, présent dans l’Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu ».
Il poursuit, dans le même sens : « L’Eucharistie unit le ciel et la terre, elle embrasse et pénètre toute la création. Le monde qui est issu des mains de Dieu, retourne à lui dans une joyeuse et pleine adoration ». Laudato si, #236
Cette réflexion nous fait voir la célébration de l’Eucharistie comme un moment privilégié pour apprendre à regarder les êtres et les choses comme venant de Dieu et destinés à y retourner une fois transformés. Un rappel que nous devons utiliser la nature avec respect et gratitude. Par solidarité nous devons voir à ce que personne ne soit privé des dons du Créateur. « Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.» Mc 10, 45 Tob
Il ressuscite en nous, par nous et pour le monde
Le Christ est mort là-bas, sur le calvaire. Mais il est ressuscité et s’est manifesté à ses disciples pour leur signifier que la mort n’avait plus d’emprise sur lui. Il ressuscite encore aujourd’hui. Quand il se donne à nous par le pain et le vin, il reprend vie en nous et pour le monde, si, bien sûr, nous l’accueillons dans la foi et le laissons transformer nos vies.
Jésus est mort. Mais il ressuscite en chacun et chacune de nous lorsque nous l’accueillons. Il revit alors et poursuit sa mission de salut pour le monde. Par le pain eucharistique, Jésus étend sa présence de ressuscité au monde.
Conclusion
L’eucharistie évoque la mort de Jésus et nous resitue devant la totalité de notre existence d’hommes et de femmes, une existence qui savoure le présent et s’ouvre au divin et se prépare à jouir de la vie même de Dieu.
Oui, Dieu est mort en la personne de Jésus. Mais il est mort pour nous. Et il revit en ceux et celles qui le reçoivent. Il revit en plus grand dans le corps mystique du Christ. Il vivra pleinement quand chacun et chacune de nous arrivera au bout de son chemin. Vive Dieu ! Amen.
Marcel Poirier, a.a.
Le pharisien et le publicain