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AVRIL

Image libre de droit sur Pixabay

Billet éditorial du dimanche, 7.04.2024
Monique Lortie, MA phi

« Et la lumière fut », lit-on dans le Livre de la Création.

Le plus paradoxal, ce qui devrait nous frapper, c’est qu’à partir de ce moment premier, initial, divin, la lumière ne nous a plus vraiment intéressés. Ce qui nous intéresse vraiment, nous, petits humains, c’est la couleur. C’est aussi, le mouvement, le changement.

Avril. Rendons-nous compte, pourtant, que ce qui nous intéresse, ce qui réjouit déjà nos cœurs quand commence avril, c’est la promesse des jours qui s’allongent. Phénomène qui nous permettra de voir le monde, les mouvements, les couleurs, la lumière elle-même plus longtemps sur les 24 heures qui forment nos journées.

Nous aimons voir et la nuit, tout comme les nuages, nous privent de ce sain plaisir.

Si vous m’accordez que voir est un plaisir, alors je nous demande aussi pourquoi nous avons, presque, oublié que plus important pour nous, plus jouissif, pour nous que la couleur, c’est la lumière !

La lumière elle-même. Celle qui a surgi du néant, un de ces quatre matins. D’ailleurs, ne dit-on pas que ce fut le Premier Jour ?

Avril est ainsi la fête du Premier Jour. Sortie de la nuit de l’hiver québécois, voilà la promesse concrète de la Lumière. Et voilà pourquoi on aime Avril.

En bonne philosophe, je souhaiterais sentir en moi, en nous, l’importance sacrée de la lumière : elle est celle qui a permis et qui continue de permettre l’univers de la science et celui des savants, le monde des hommes et des arts. Le monde de la vie tout court.

Elle, la lumière, pas la couleur.

C’est aussi elle, la lumière, qui a permis à l’univers d’être créé, d’être vu, scruté par nos télescopes, d’être mesuré, compris et expliqué – comme le fera encore remarquer Jean d’Ormesson.

Maintenant, « qu’il y ait comme un lien entre la lumière de l’univers et les lumières de l’esprit humain est un miracle permanent », dira aussi notre académicien en attirant notre attention sur la puissance inénarrable de ce que nous appelons légèrement, ‘notre esprit’. Le réduisant souvent à un simple organe, le cerveau.

Réfléchissons ensemble, si vous voulez. Au début – pour comprendre, il faut remonter à une source – au début, il n’y avait rien. Ici, il faut comprendre concrètement ce que signifie, ‘rien’ : pas de rires, pas de larmes, pas de peur, pas d’attente, pas d’herbes vertes, pas de vent, pas de nuages, pas d’étoiles, pas de réponses, pas de questions, pas d’amour et partant pas de joie1. Pas de lumière. Rien ! Le vide, l’infini, l’éternité, la profonde, profonde éternité2 …

Et puis, d’un seul coup, jaillit la lumière ! On l’aura échappé belle : il se pouvait tout aussi bien que ne vint jamais la lumière ! Pourtant « la lumière fut » ! Ce fut non seulement le premier jour, mais le premier miracle !

Avril, qui apporte la lumière et avec elle, la redécouverte des couleurs vibrantes de la nature, est un « remake » de ce miracle initial ; réjouissons-nous.

J’ai même envie de suggérer que l’humble mois d’Avril soit reconnu comme le mois de la Reconnaissance et de la Gratitude.


1 La Fontaine

2 Nietzsche