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Appel au témoignage

Éditorial du dimanche 26 janvier 2025
Ann Montreuil, éditorialiste

L’évangile de Luc m’interpelle dès ses premières lignes lorsqu’il décide d’écrire pour Théophile.

Il est question de transmission, de témoignage.
Ces actes ne sont pas l’apanage réservé aux érudits, savants ou littéraires.

Depuis la nuit des temps l’homme s’inscrit dans son besoin et sa nécessité de transmission, moyen ultime de survie et d’évolution.

Il a fait un saut de plus lorsqu’à l’oral s’est ajoutée l’écriture pour porter le message au-delà du temps et de l’espace, l’immortalisant un peu et surtout l’utilisant tel un barreau d’échelle pour gravir celle de la connaissance.

Selon le Petit Robert, témoigner c’est certifier ce qu’on a vu, entendu et par extension l’attestation peut se révéler par son comportement en devenant indice, preuve, signe.

Dans l’histoire, Socrate dit, Platon retransmet en écrivant; il en va ainsi.

Jésus a été, la Bonne Nouvelle a pris chaire, la Parole fut renouvelée et accomplie. D’autres ont pris le relais pour essaimer le message. Ces témoins ne furent pas que spectateurs, nombres d’entre eux sont entrés en action, en service, pour partager un enseignement qui les a bouleversés.

St-Paul écrivait: «Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais reçu moi-même » (Co 15,3).

La transmission est un processus où le premier moment en est un de réception suivi d’une appropriation puis d’un certain cheminement avant de passer au suivant. Le geste de transmettre implique un engagement. Ceci devrait s’inscrire dans un terreau de confiance, de crédibilité et de bienveillance. Ces derniers éléments m’apparaissent essentiels et discriminatifs pour ne pas se charger de toxicité.

Il faut le reconnaître; nous sommes en fait plongés dans un tourbillon, affublés d’informations de part et d’autre. Il devient nécessaire de faire le tri serré en cette ère de désinformation car on ne peut se laisser envahir par tous les influenceurs de ce monde qui ont à cœur plus leurs biens que le nôtre.

L’image qui monte en moi est celle d’une course à relais. N’y parle-t-on pas de témoin, ce bâtonnet qu’on se remet de l’un à l’autre pour aller plus vite, plus loin et en sortent vainqueurs ceux qui ont le mieux réussi cette passation.

Celui qui accueille devient actif à son tour et s’enclenche ainsi un cercle de gratitude car il donne sens au vécu, à l’effort de l’autre. En acceptant un leg, on s’inscrit un peu dans un désir de donner souffle, un nouvel élan ou face à une fenêtre ouverte sur un autre horizon à explorer.

Aujourd’hui encore des maîtres transmettent leur passion que ce soit sur les bancs d’école ou ceux d’une patinoire et que sais-je encore! Vous en avez sans doute croisés qui furent déterminants dans votre vie.

Nos mères ont transmis leurs recettes… et tellement plus! La famille est le berceau de moult objets de transmission.

N’empêche, on peut se sentir un peu décalé, avoir l’impression de ne plus être à jour ou au goût du jour. Toutefois il y a quelque chose qui ne doit pas disparaître avec nous. Nos trésors doivent être légués et non enterrés.

Se soustraire à ce processus en le croyant vain risque d’appauvrir notre société, de la couper de ses racines, de la rendre amnésique de ce qui fut rempart et source de vie.

Platon redoutait à la fin de «La République» un monde sans repère, sans mémoire.

C’est pour cela que nous sommes interpellés car il arrive un temps où on devient réservoir ou gardien de la mémoire de notre génération.

La transmission prenant son point de départ dans le passé, elle vient le prolonger dans le présent et le futur; ce n’est pas un mouvement de repli ni de stagnation, bien au contraire. C’est un acte de confiance, un élan pour inviter à aller plus loin.

En définitive, ce n’est pas si compliqué mais exige quand même transparence, honnêteté et un peu de réflexion.

Qu’est-ce que j’ai appris de la Vie? Quels ont été les repères qui m’ont été le plus précieux? Quels chemins seraient à recommander ou à éviter? Qu’est-ce qui reste et demeure comme valeurs sûres?

Comme chrétiens, l’invitation à découvrir cette Parole qui nous a rendus plus vivants peut s’offrir, telle une semence de joie et d’amour, en reconnaissant pleinement la liberté de l’hôte, de l’autre.

Le poète Pierre Emmanuel écrit:
«Car nous qui ne L’avons pas vu,
Nous Le croisons tous les jours
En tous les autres
Rendons-en témoignage…»

Bonne semaine et qu’elle soit moment de précieux échanges.