24 janvier 2021 3e dimanche du temps ordinaire, année B – Marc 1,14-20
Lectures de ce jour
La liturgie nous fait entendre aujourd’hui une Parole de Dieu pour un temps de crise. Jonas découvre qu’il ne faut pas désespérer ni de soi ni des autres. Jésus appelle et prépare des disciples à l’engagement. Et Paul rappelle que le temps est court et qu’il faut agir maintenant.
Il n’y a plus rien à faire ?
À regarder de près notre société québécoise, il semble bien qu’il n’y a plus grand-chose à faire. L’individualisme bien alimenté par la consommation colore notre mode de vie. Nos églises se vident, lentement mais sûrement. Au Québec, pour beaucoup, l’Église a fait son temps. Les prêtres sont vieux. – Sauf quelques exceptions -. Laissons aux laïcs le soin de recueillir les dépouilles pour les déposer dans le musée du patrimoine… Il existe bien ici ou là quelques ilots de conservateurs. Nous savons comment Jésus a rabroué ceux de son temps, les Scribes et les Pharisiens que se cachaient derrière une observance méticuleuse de la Loi.
Comment réagir à ce genre de discours ? Relisons attentivement le livre de Jonas, un prophète caricatural. Il ne voulait pas aller à Ninive. Forcé de s’y rendre, après un voyage en sous-marin (une baleine, dit la légende), il ne croit pas en la conversion possible de cette ville. Il prêche sans conviction et, à son grand déplaisir, les Ninivites se convertissent. Il en est déprimé et désire la mort. Il avoue candidement : “Voilà pourquoi je m’étais empressé de fuir … Je savais bien que tu es un Dieu bon et miséricordieux, lent à la colère et plein de bienveillance, et qui revient sur sa décision de faire du mal.” Jo, 4: 2 Tob
Or Dieu s’intéresse à tous les humains, y inclus les personnes qui nous paraissent fermées à toute démarche spirituelle. Jonas, comme beaucoup de braves personnes, ne croit pas en la conversion possible d’une nation corrompue, brutale et cruelle. Il n’accepte pas non plus que Dieu pardonne aux Ninivites qui, en outre, ont opprimé Israël et déporté une partie de la population. À ses yeux, une telle méchanceté ne mérite aucun pardon.
Ce récit nous enseigne avec humour que la miséricorde de Dieu englobe toute l’humanité, représentée par Ninive, un cas extrême de paganisme. Même là où la corruption et la violence dominent, une conversion demeure toujours possible, et lorsqu’elle se manifeste, le Seigneur offre son pardon. Il ne faut jamais désespérer des personnes apparemment très loin de la foi, ni désespérer de notre propre conversion.
Le vertueux Jonas doit lui aussi se convertir et changer la conception qu’il se fait de Dieu en qui il ne voit qu’un juge sévère. Jonas incarne ces personnes pieuses, bonnes, exigeantes pour elles-mêmes, indignées par les écarts moraux des autres et qui, en raison de cela, voudraient imposer des limites à la miséricorde de Dieu. Pourquoi pardonner à des gens qui persécutent le peuple de Dieu, qui méprisent son Église et la calomnient ?
Mais Dieu connaît le cœur des hommes et des femmes d’aujourd’hui, très souvent en quête d’une nourriture autre que matérielle. De nos jours, des adultes trouvent ou retrouvent la foi. Souvent, par leur foi vive, sans complexe, ils peuvent être dérangeants, agaçants. Ils embarrassent notre tiédeur. Oui, il y a quelque chose à faire.
Il nous faut des spécialistes
Pour relever tous les défis que pose à notre Église la société moderne on serait tenté de recourir aux spécialistes. Certes, certaines sciences, gestion, organisation et communication représentent des outils utiles dont on doit se servir pour utiliser au mieux nos ressources limitées.
Jésus ne disposait pas de tels outils. Pour que son œuvre se perpétue, Il appelle des pêcheurs. Des hommes ordinaires, sans autre formation que celle de leur métier. Il leur demande simplement de le suivre. Pendant 3 ans, ce sera là leur formation : observer Jésus et vivre avec Lui et comme Lui. Cela va les transformer. Ces hommes, très différents les uns des autres, Jésus les choisit, en dépit de leurs différences, une façon de dire que tous et toutes, quelle que soit notre préparation ou notre tempérament ou nos talents, nous pouvons Le suivre.
On le devine, si les projets pastoraux se limitaient à une réorganisation des structures, cela ne mènerait pas bien loin. Il faut, comme les pêcheurs de Galilée, nous mettre à la suite de Jésus, redécouvrir qui Il est. Notre monde a besoin de témoins. Non de super-héros mais de gens ordinaires qui par leur façon de vivre illustrent la présence du Christ et savent rendre compte de leur foi quand l’occasion se présente.
Les temps sont accomplis. Le Règne de Dieu est tout proche
Jésus l’affirme. Il ne s’agit plus d’attendre à demain ou de penser à un ailleurs. « Le Règne de Dieu est tout proche». Paul en rajoute et précise que « le temps est limité. »
Ne rêvons pas aux conditions idéalisées des siècles passés où nos ancêtres se rassemblaient massivement autour de leur clocher. La religion meublait leurs journées et le dimanche confortait leur adhésion commune à la foi chrétienne. Il semble tellement plus facile de pratiquer sa foi quand tout le monde le fait…
Ce temps-là n’est plus, du moins au Québec. Les contestations dont l’Église est l’objet vérifient la profondeur de nos racines. Pas facile de nager à contre-courant. De là la nécessité de nous soutenir les uns les autres. Le temps est là qui nous oblige à extérioriser nos convictions au risque d’être critiqués, voire ridiculisés.
Conclusion
Frères et Sœurs, nous sommes appelés à une conversion qui ressemble à celle de Jonas, avoir confiance dans le Seigneur et croire en l’avenir de son peuple, de son Église. Lorsque Jésus invite ses compatriotes à se convertir, il s’adresse à des croyants, des hommes et des femmes qui mettent leur foi dans le Seigneur. Jésus compte sur les pauvres apôtres que nous sommes pour rejoindre ce monde apparemment indifférent, voire hostile à la foi chrétienne.
“Le règne de Dieu est tout proche“, dit Jésus, en d’autres mots, à notre portée. Nous pouvons et nous devons agir “comme si” ce Règne était déjà pleinement réalisé: aimer nos semblables, comme si l’amour avait déjà vaincu la haine ou l’indifférence; partager sans crainte, comme si la solidarité avait fait tomber toutes les barrières injustes; etc. . .
La semaine de prière pour l’unité des Chrétiens s’achève aujourd’hui. Avec tous les chrétiens et chrétiennes nous reconnaissons le scandale de nos divisions. Comment la Bonne Nouvelle pourrait-elle rejoindre tous les humains si les disciples de Jésus se divisent et se déchirent ? L’unité se réalisera uniquement si nous suivons vraiment Celui en qui nous mettons notre foi. L’unité doit nous tenir à cœur. Gardons en mémoire la prière de Jésus, la veille de sa mort.
“Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé.” Jn 17, 21 AMEN.
Marcel Poirier
Extrait vidéo de l’homélie du P. Marcel Poirier, ce dimanche 24 janvier
Méditer dans son cœur