8 novembre 2020 32e dimanche du temps ordinaire A – Mt 25, 1-13
Ces paroles de Jésus résonnent fortement en nous depuis mars dernier. Personne n’avait prévu la pandémie. Personne n’avait anticipé l’irruption du Covid-19 dans les CHSLD et les ravages qu’il y a causé tant chez les personnes âgées que dans le personnel. Qui s’imaginait qu’on devrait fermer bars, restaurants, cinémas, lieux de culte, écoles, etc. ? Et nous nageons maintenant en pleine 2e vague sans savoir quand tout cela s’arrêtera.
Comment traversons-nous cette période d’incertitude ? Comment vivre sereinement devant une menace qui n’a rien d’imaginaire, en particulier pour ceux et celles que l’on dit « fragiles » ?
Un rappel fraternel
Avant le mois de mars, tout paraissait sous contrôle et l’économie prospérait. Or la pandémie nous a replacés brutalement devant la fragilité de nos organisations et de nos projets. Les compagnies d’assurance qui offrent de couvrir à peu près tout, excluent le plus souvent les dégâts causés par les catastrophes naturelles, admettant implicitement qu’elles sont imprévisibles et que l’on ne contrôle pas tout. Il a suffi d’un petit virus pour faire craquer un mur apparemment très solide.
« Vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
Notre manière de réagir au constat de Jésus révèle où bat notre cœur. Si nos préoccupations se limitent aux choses d’ici-bas, la parole de Jésus apparaît alors comme une menace et provoque l’anxiété, voire la peur.
Si nous aspirons, même imparfaitement au Royaume à venir, les paroles de Jésus résonnent comme un rappel amical, fraternel. Nous oublions si facilement que nous sommes des voyageurs en ce monde. Or le but du voyage se trouve ailleurs.
Notre foi en Jésus ne nous épargne pas les inquiétudes face aux épreuves du présent. Toutefois la peur de l’avenir ne doit pas nous paralyser. Nous savons qu’il ne faut pas tout miser sur les réalisations humaines. Notre sort, notre avenir, quoi qu’il arrive, demeure dans les mains du Père. Jésus évoque la fragilité des réalisations humaines non pour nous décourager mais pour révéler l’avenir illimité qu’Il nous prépare. Le disciple ne doit donc pas vivre dans la crainte.
Être responsable de sa lampe
La parabole des jeunes femmes les unes sages, les autres insouciantes, – 50 % de sages, – n’est pas une représentation de l’humanité, encore moins de notre communauté qui ne compte que des « sages ». La parabole évoque d’abord un temps d’attente dont on ignore la durée. Lorsque l’époux arrivera, il faut être prêt, car ce moment ne se répète pas. Le temps passe et n’attend pas.
Le temps de l’attente peut s’allonger. Mais il s’agit d’accueillir l’époux et d’entrer avec lui dans la salle de noces où va se dérouler la fête. Toutefois il revient à chacun de s’y préparer. Personne ne peut le faire à ma place.
Dans une de ses chansons, Claude Léveillée se demande :
« Les rendez-vous que l’on cesse d’attendre
Existent-ils dans quelqu’autre univers ? »
Les occasions perdues ne reviennent pas. Et comme nous ignorons ce que sera demain, ou même s’il y aura un lendemain, c’est aujourd’hui qu’il importe de se tourner en toute confiance vers le Christ, tels que nous sommes. Si le bandit crucifié aux côtés de Jésus a pu reconnaître en lui le Sauveur à la toute dernière minute de sa vie, nous pouvons, nous, sans hésitation le faire ici et maintenant.
Comment vivre cette attente ?
L’exemple des sages d’Israël
La Bible fait l’éloge des sages. Cf. 1ère lecture. Le Sage est réputé pour son jugement et sa capacité de discerner ce qui est bon et utile et, il l’applique à sa propre vie. Il puise dans les Écritures ses orientations et cherche à harmoniser sa vie avec la volonté de Dieu, qui est la Sagesse même. Il découvre là l’art d’être heureux.
La vraie force du sage consiste à savoir d’où il vient, où il est, et ensuite comprendre où il va et reconnaître les moyens d’y parvenir. Socrate le disait autrement : « Connais-toi toi-même ». Là se trouve le grand défi de toute personne. La Parole de Dieu révèle au sage la réalité de son être profond et ce pour quoi il est créé. Qui d’autre, mieux que le créateur pourrait le guider ?
Certains de nos contemporains perçoivent la loi de Dieu comme une contrainte, une amputation de leur liberté. Le Sage, lui, reçoit la Loi de Dieu comme une lumière sur sa route, comme une carte géographique qui trace l’itinéraire. Ou encore comme le manuel d’instruction que le Créateur met à la disposition de ses créatures. La Loi de Dieu ne limite pas notre liberté, elle nous donne le moyen sûr d’atteindre notre objectif, à savoir : devenir pleinement humains, véritables images de Dieu.
Le Sage ne s’évalue pas en référence à ce que les autres pensent ou recherchent. Il demeure libre face à l’opinion de ses semblables et son unique préoccupation est de plaire à Dieu. Là se trouve son bonheur.
Cette sagesse n’est pas réservée à une élite. Elle se laisse trouver. Dieu se laisse trouver. Aucune performance requise. Aucune condition, sinon de la chercher. La 1ère lecture nous rassure :
« Elle (la Sagesse) se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. »
Elle se laisse contempler par ceux qui l’aiment. Encore faut-il l’aimer…
Conclusion
L’année liturgique tire à sa fin et elle nous parle de la fin des temps et du retour glorieux du Christ qu’il nous faut attendre. Paul, et les Thessaloniciens à qui il s’adressait, attendaient le retour du Christ glorieux de leur vivant. L’Église d’aujourd’hui ignore le moment de ce retour. Les hommes et les femmes que nous sommes ignorent le moment de notre propre passage dans l’autre monde.
La phrase de Jésus est souvent perçue comme une mise en garde, voire une menace et non une invitation à se préparer à notre rencontre avec le Seigneur, rencontre que nous savons inévitable. Comme le sage de l’Ancien Testament, méditons la Parole de Dieu qui nous invite à aimer, un amour qui devient l’huile pour notre lampe, si le retour du Maître tarde et que l’attente se prolonge. AMEN
Marcel Poirier, a.a.
Une présence surprenante !