1 novembre 2020 Toutes les saintes et tous les saints – Mt 5, 1-12a
Cette année la fête de toutes les saintes et de tous les saints – la Toussaint – nous arrive en plein temps de la pandémie et de confinement : total ou partiel, tout dépend où l’on se trouve. Comment alors entendre les paroles de l’Évangile, et de toutes les lectures, de ce dimanche : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » ?
Rafraîchir la Mémoire
Tout d’abord nous sommes invités à nous rafraîchir la mémoire de la compréhension de la notion et de la réalité de la sainteté. Nous savons toutes et tous, ou au moins nous sommes sensés savoir, que Dieu est saint ! Ce n’est même presque plus une nouveauté ni une surprise. Ce qui constitue une nouveauté et une surprise perpétuelle, c’est que nous soyons toutes et tous appelés à être saintes et saints. C’est comme ça d’ailleurs que les premiers chrétiens s’adressaient les uns aux autres. Il s’agit de bien comprendre cet appel. Jésus le formule de manière différente tout au long de l’Évangile de Matthieu. Dans le même évangile de Matthieu vers la fin du chapitre 5 : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Être parfait dans le langage biblique, c’est tendre vers notre accomplissement tel que nous étions conçus dans la bonté et la miséricorde de Dieu. Voilà, nous sommes invités à réaliser que la sainteté et la perfection pour l’être humain sont une relation vivante avec Dieu dans laquelle Dieu se donne, et l’être humain se construit tout en se recevant dans le don et dans la grâce de Dieu.
Se mettre en Chemin
Cette relation se réalise dans l’appel que Dieu nous adresse. Dieu nous appelle « bien-aimés » ! C’est là, dans cet amour infini de Dieu, que se trouve la source (du bonheur) d’être heureux pour chaque être humain, pour chacun et chacune d’entre nous. Dans l’Évangile de Matthieu Jésus nous invite très probablement non pas à un ou plusieurs états statiques (de béatitude) d’être heureux mais à un chemin de joie, un chemin moins qu’évident, que nous sommes invités à parcourir. Dans la tradition spirituelle les Béatitudes sont représentées assez souvent comme une échelle qui nous invite à l’élévation de toute notre vie. Un chemin, une échelle, un voyage – c’est dynamique. L’invitation de Dieu nous met en mouvement. Ce chemin commence par la réception de la pauvreté de cœur. « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. » C’est une manière de se mettre dans la posture d’humilité du cœur. Disons clairement, il ne s’agit pas d’être humilié, ou rabaissé. Il s’agit, tout simplement, de se reconnaître humain devant Dieu avec toutes nos forces mais aussi avec toutes nos faiblesses et nos vulnérabilités.
Reconnaître la Beauté et la Bonté
Nous pouvons remarquer qu’être humain c’est aussi être des personnes constituées d’émotions, qui pleurent, sont douces, ont faim et soif de la justice, sont miséricordieuses, sont des artisans de paix, regardent le monde avec le regard pur, avec le regard de Dieu même. Si nous prêtons attention nous remarquerons que toutes ces facettes de l’être humain décrivent l’humanisation de chacun et chacune d’entre nous. Nous remarquerons aussi que toutes ces Béatitudes nous offrent le portrait de Jésus qui se révèle à nous au fil des jours dans l’Écriture et dans notre quotidien. Dans une de ces homélies saint Bernard de Clervaux dit, je cite de mémoire, parce que c’est une réflexion qui m’a frappée, que c’est seulement en pratiquant la miséricorde que nous recevons le cœur pur. Saint Bernard nous rappelle que la miséricorde constitue la porte d’entrée dans la clarté de la vision pour percevoir et recevoir le monde tel qu’il est réellement conçu par Dieu dans toute sa beauté et sa bonté. Remarquons bien que c’est un véritable chemin d’humanisation. On pourra même dire que la véritable sanctification est toujours liée à l’humanisation, et une véritable humanisation est sanctifiante. C’est pourquoi l’Écriture dit du Christ qu’Il est vraiment homme.
Être pleinement humain est une véritable joie pour l’être humain, la source véritable de l’être heureux, du bonheur. C’est aussi un long et patient chemin à parcourir, sans jamais perdre l’espérance. C’est probablement cela vivre pleinement le chemin de l’humanisation et de la divinisation qui est défini comme le processus de la purification de nos vêtements dans le sang de l’Agneau. Toutes les saintes et saints, et nous aussi appelés à être dans leurs compagnie, nous invitent à l’espérance invincible : car quand on donne tout, quand on perd tout dans des actes d’amour on peut renaître à l’Amour éternel. Alors, relisons le passage de l’Évangile de ce dimanche et pas à pas entrons dans la dance des bien-aimés de Dieu !
Édouard Shatov
Traversée chrétienne vers l’autre