13 septembre 2020 24e dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 18, 21-35
« Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? » – voici la question principale du passage que nous lisons au chapitre 16 de l’évangile de Saint Matthieu. Pour le dire autrement : « Jusqu’où peut-on ou doit-on aller dans la miséricorde s’il faut y aller toutefois ? »
La mesure de l’Amour
Quand Pierre pose cette question à Jésus, celui-ci nous raconte une parabole sur la miséricorde de Dieu : une miséricorde qui ne demande qu’à nous remettre toutes nos dettes, une miséricorde qui devrait « déteindre » sur nous, en quelque sorte, puisque nous sommes à l’image et à la ressemblance de Dieu. Rappelons-nous qu’être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu implique la créativité, l’imagination, la puissance et le développement. Mais cela implique aussi le don et l’exercice de la liberté. C’est cela l’amour de Dieu : rendre les autres capables d’amour en étant libres et sans aucune contrainte. Avoir juste le choix d’être bienveillant et non pas le programme préprogrammé des robots intelligents. Cette liberté offerte est le fondement de notre responsabilité même. Toutefois si nous parlons de liberté responsable nous devons aussi envisager une possibilité d’erreur. C’est en faisant des erreurs et des fautes qu’on apprend. C’est le résultat de l’expérience mais parfois les choses se gâtent.
La mesure de la Liberté
Les erreurs nous agressent, nous agacent et nous déçoivent. Surtout les erreurs des autres ! On doit le dire carrément, sauf les cas exceptionnels et rares, que nos erreurs on ne les voit presque pas, tandis que les erreurs des autres deviennent rapidement monumentales. Comme conséquence la colère, la haine, la rancune et le désir de vengeance s’installent. Alors, comme le dit le livre de Ben Sirac le Sage : « Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? S’il n’a pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses péchés à lui ? » Ce qu’on oublie quand on est confronté à l’expérience d’être blessé par l’erreur, la faute, voir par le péché de l’autre, c’est que l’autre est aussi un être humain libre et responsable mais aussi capable de faute et d’erreur comme moi je suis capable de toutes ces choses. Comment peut-on se rappeler de cela et sortir des cercles infernaux de la violence engendrée par la rancune et la colère qui mènent très souvent vers les violences physiques ou verbales ?
La mesure du Pardon
Une piste de réponse à cette question difficile est donnée dans le livre de Ben Sirac le Sage : « Pense à ton sort final et renonce à toute haine ». Elle est formulée d’une autre manière dans la lettre de Saint Paul Apôtre aux Romains : « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même ». Ces deux phrases mettent en évidence nos liens humains qui nous relient et qui nous rendent interdépendants. Toutes et tous nous sommes des humains. Et pour arrêter le cercle de violence il faut se souvenir de ce qui nous humanise et ce n’est pas la violence. Ce qui nous humanise c’est précisément le pardon, cette capacité humaine inspirée par Dieu qui renverse la fatalité de la violence et ouvre des portes à la paix pour aller vers une « humanitude » plus grande. Et cela déborde nos calculs mesquins. C’est à cela que Jésus invite Pierre : dépasser tout calcul, toute raison raisonnante. Nous sommes appelés à apprendre la mesure sans mesure de la générosité du cœur de l’être humain lequel est à l’image et à la ressemblance » du cœur même de Dieu.
Alors, « pardonner à l’autre du fond de notre cœur », c’est accomplir une œuvre de restauration de paix, c’est re-créer l’univers tout entier. Alors quand on restaure nos liens avec les autres, nous sommes prêts pour notre propre restauration !
Édouard Shatov
Cieux déchirés et élection filiale