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LA TRISTESSE ET LA MAUVAISE HUMEUR

L’ennemi le plus terrible en ces temps de confinement, c’est la tristesse. Une tristesse, absolue, informe, sans mot, sans motif, sans visage. On peut être triste dans la souffrance, les épreuves, les pertes. Mais la tristesse dont nous parlerons ici est plus diffuse, c’est une sorte d’atonie de l’âme, une mauvaise humeur diffuse, une certaine façon de se sentir exister dans une impuissance à vivre vraiment et légèrement, confiné.es que nous sommes dans un je-ne-sais-quoi d’étouffant ; c’est se trouver là-dedans dans une lourdeur invisible, incompréhensible, incommunicable. Et dorénavant quotidienne. Il y a peu, quelque chose nous est tombé dessus qui a pour nom, au choix : Covid-19, Confinement, Distanciation physique et sociale, Isolement, Ennui, Amertume. Et leurs voisines Angoisse sourde et Mauvaise humeur. La voilà la redoutable Mauvaise Humeur ! Parlons-en ! Aussi ennuyeux que cela puisse sembler, peut-être faut-il en parler, justement. Justement maintenant.

On dit que le bonheur réside dans une foule de petites choses de la vie ordinaire. On le dit. « En fait, j’aime considérer plutôt ceci que le bonheur, en réalité, dépend de l’art de se rendre maître de la mauvaise humeur ». Sagesse d’Alain, le philosophe.

Mon invité est en retard, voilà poindre une légère mauvaise humeur ; ma collègue, sa voix et ses talons hauts, son rire, haut lui aussi, en voilà d’autres. Untel me contrarie, la petite crie dans l’auto, son frère aussi, mes clés glissent sur le sol, mon ex ne répond pas au téléphone, autres pics de mauvaise humeur…

Notre vie est parsemée de pointes de mauvaise humeur en soi passagères. On le sait. Mais trop souvent, nous nous y jetons, nous les enflons, nous les montons en épingle, pour ainsi dire… ; nous leur donnons, en un bref et intense instant, le pouvoir d’une fin du monde. Certains, il est vrai, ont de vrais malheurs ; mais par un mouvement étonnant, ils y ajoutent de l’humeur par-dessus le marché. Tel ce grand malade qui ne décolère pas, cette femme trahie par son mari il y a vingt ans et qui ne décolère pas davantage.

Notre philosophe, Alain, qui a mis à découvert le rôle de l’humeur, écrit que le commencement de la folie est une manière « irritée » de prendre toute chose. Même les choses ordinaires. Et de s’y jeter avec fureur. Bien trouvé ! La colère est terrible si on « souffle sur le feu », dit Alain, ridicule si on sait qu’elle passe. Le bonheur c’est peut-être savoir attendre, attendre que l’humeur passe.

Voici donc notre recette contre la mauvaise humeur, cette fâcheuse tristesse de l’âme, contemporaine de notre confinement qui n’en finit plus : Patienter trois minutes avant de consentir à la mauvaise humeur, et se promettre de s’y abandonner à satisfaction à la quatrième minute. – Ici, la promesse est très importante.*

Par cela on voit qu’il serait vrai de dire, avec Alain, que le bonheur dépend d’une foule de petites choses. Mais aussi qu’il dépend de nous. L’énumération de ces petites choses est facile : ce sont toutes ces pointes de mauvaise humeur qui émaillent nos journées et que l’on a eu la force, le courage et surtout le désir de mettre de côté … trois minutes à la fois.

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* Pour celles et ceux qui désireraient savoir ce que l’on fait concrètement pendant ces trois minutes d’attente, inscrivez-vous à mon cours ZOOM, début septembre : « N’OUBLIE PAS DE VIVRE ». (Groupes limités en nombre.)

MONIQUE LORTIE

lortie.monique@gmail.com