5 juillet 2020 14e dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 11, 25-30
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. »
À première vue, le confinement en nous immobilisant, a favorisé le repos. Pourtant, le fardeau s’est alourdi d’un poids d’insécurité, voire d’angoisse. Nous traversons une période difficile, imprévisible. Nous avons été coupés de nos liens habituels et limités dans nos déplacements. Une épreuve, certes, mais peut-être aussi une grâce.
Nous avons été bousculés dans nos habitudes et nos routines. En soi, cela dérange. Cela peut libérer. Les médias entretenaient l’inquiétude en étalant jour après jour les ravages de la pandémie. Au point que certains y repéraient les premiers indices de la fin du monde. Nous avons réalisé subitement combien notre monde est fragile, et combien notre propre vie comme celle de nos proches sont vulnérables.
Les personnes d’un certain âge ont ressenti plus directement la menace, étant classé malgré eux dans la catégorie des « fragiles », petite expérience peu agréable d’exclusion. L’intérêt soudain pour les « personnes âgées » concrétise la sorte de déclassement qui afflige les « vieux » dans la société québécoise. L’épreuve a mis en évidence l’abandon plus ou moins total d’un grand nombre d’aînés. Prise de conscience durable ? Espérons-le.
Il suffit souvent d’être privé de quelque chose pour en ressentir l’importance. L’expérience d’un manque devrait nous rapprocher des personnes qui vivent en permanence cette situation : les personnes seules, pauvres, confinées, etc… Remercions le Seigneur pour la grâce d’être bien entourés et n’oublions pas la parabole : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli; nu, et vous m’avez vêtu; malade, et vous m’avez visité; en prison, et vous êtes venus à moi. » Mt 25, 35-36
Le confinement nous a fait réaliser l’importance des liens que nous entretenons avec les autres et de la nécessité de les cultiver.
L’importance de la communauté
La fermeture des lieux de culte ne nous a pas empêchés de prier. Elle a peut-être même aiguisé notre besoin de nous tourner vers le Seigneur. Elle a fait découvrir par les médias sociaux de nouveaux moyens de nourrir notre vie intérieure et de nous rapprocher des autres. L’imagination était au rendez-vous. Ne perdons pas ces découvertes.
La fermeture de nos églises a surtout mis en relief l’importance de la communauté dans notre cheminement de foi. Sur la route vers Dieu, nous n’avançons pas seuls. S’alimenter est une chose. Chacun peut le faire seul dans son coin. Mais partager le repas avec des amis satisfait le cœur plus que l’estomac. L’eucharistie, repas symbolique, demeure par nature communautaire et ne saurait à terme n’être que virtuelle. En nous unissant concrètement au Christ, elle nous unit les uns les autres.
Le fardeau de la privation
Plusieurs vivent mal l’impossibilité de célébrer les sacrements. D’une part, on désire respecter les consignes de la santé publique, par solidarité avec nos concitoyens. D’autre part, la privation des sacrements, eucharistie, baptême, mariage, réconciliation ou la possibilité de marquer le deuil par des funérailles, fait partie de nos fardeaux.
Au temps de Jésus, ils étaient nombreux à percevoir les exigences de la Loi comme un poids plus ou moins impossible à soulever. C’est pourquoi il s’adressait à eux : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » Le fardeau auquel réfère Jésus n’est autre que la Loi mosaïque, une Loi que la tradition avait alourdie de nombreuses prescriptions et défenses, au point qu’une partie de la population se sentait écrasée par toutes ces obligations et se percevait en conséquence comme rejetée par Dieu. Or Jésus veut soulager les hommes et les femmes de bonne volonté qui s’efforcent de cheminer vers leur Seigneur. « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. »
L’image du joug n’a rien de poétique : une pièce de bois pour atteler des animaux, en général des bœufs : elle leur permet de tirer ensemble dans la même direction. L’image illustre en quoi le fardeau que propose Jésus est léger, non parce que les exigences de l’Évangile seraient moindres, mais parce qu’Il s’attelle avec nous pour tirer vers l’avant. Il porte avec nous le poids des exigences et nous maintient dans la bonne direction. Soutenus et guidés par Celui qui nous aime les efforts deviennent plus faciles et il est rassurant de savoir qu’ils nous orientent vraiment vers le but. En période d’incertitudes, la Parole de Jésus prend tout son poids.
La petitesse de Dieu
Il a suffi d’un petit virus pour mettre à genoux nos économies puissantes et paralyser nos sociétés. Comme quoi notre monde qui affiche tant de force demeure bien vulnérable. On peut y voir une parabole : celle de la petitesse de Dieu qui peut, par le virus de l’amour instillé dans les cœurs, changer le cours de l’histoire. Le prophète Zacharie, en première lecture, annonçait ce genre de transformation par la venue d’un roi qui règnerait sans les instruments habituels de la puissance. « Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre et il proclamera la paix aux nations. » Pour comprendre cela, il faut un cœur de pauvre. Jésus loue son Père d’avoir révélé la Bonne Nouvelle aux petits. « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Qui sont les sages et les savants dont parle Jésus ? Il ne cherche pas à cacher quoi que ce soit à personne. Aucun anti-intellectualisme. Il vise ceux qui s’enferment dans leur science ou leur sagesse et croient ainsi pénétrer le mystère de Dieu. Ils n’ont confiance qu’en eux-mêmes et n’attendent rien de Dieu. Et, trop souvent, se servent de leurs connaissances comme un pouvoir sur les autres.
Or toute vraie sagesse ou science reconnaît ses limites et demeure ouverte au mystère. Devant l’infinité divine, le sage et le savant mesurent leur ignorance et doivent, eux les premiers, se faire petits et accepter de se laisser guider par une lumière venue d’ailleurs. La simplicité demeure la seule route pour rencontrer Dieu. Les « tout petits » sont comme les enfants qui dans la confiance se laissent former par l’amour de leurs parents.
Le devoir de louange
Jésus a reproché à certaines villes de ne pas avoir cru en lui malgré les miracles qu’il avait opéré chez elles. «Si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, ces villes, autrefois, se seraient converties sous le sac et la cendre. » Mt 11, 21 Cet échec de la prédication de Jésus ne l’enferme pas dans la déception et la rancœur. Son regard se tourne vers les petits, vers ceux et celles qui accueillent sa Parole et il y trouve matière à réjouissance. « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. »
Il est si facile de se laisser obnubiler par ce qui va mal et de ressasser nos échecs. La pandémie, si nous ouvrons les yeux, a révélé tant de gestes de solidarité et de générosité. Plusieurs « fragiles » parmi nous en ont profité. Proclamons la louange du Seigneur.
Conclusion
Le Christ nous offre son joug afin de porter avec nous le fardeau et nous maintenir sans violence dans la bonne direction, car Il est « doux et humble de cœur ». Mettons en Lui notre confiance, Lui qui seul peut nous « procurer le repos » en ces temps incertains.
Marcel Poirier, a. a.