On s’est étonnés aux noces de Cana, et plus tard dans les récits des Noces de Cana, de ce que Jésus ait changé l’eau en vin. Mais, dit saint Augustin quelque part, ce qui est le plus étonnant, le plus mystérieux, c’est davantage qu’il y ait de l’eau ! – J’aimais quand notre professeur de philosophie nous rappelait cela !
Aujourd’hui, l’histoire se répète sous nos yeux : le monde entier s’émerveille qu’une architecture telle que l’imposante cathédrale Notre-Dame de Paris soit restée debout pendant plus de huit cents ans. Avec toute sa beauté, tout son symbolisme qui touchent le cœur de chacun des millions de visiteurs annuels. Mais le plus merveilleux, le plus étonnant, n’est-ce pas plutôt que des femmes et des hommes d’aujourd’hui célèbrent encore le mystère de Pâques, ou de la résurrection de Jésus, des « deux mille ans » après ?
Le feu qui dévore la célèbre cathédrale frappe la vue et l’imagination ; il nous fascine et nous saisit dans tout ce que l’on a de sensibilité. Bien sûr. Mais surpris par l’émotion, plusieurs se sont empressés de dire devant les médias qu’ils n’ont pas la foi. Étonnant ! Pourquoi dissimuler aux yeux du monde le goût savoureux du sacré qui nous habite en dépit de notre pusillanimité ? Pourquoi alors le 15 au soir, spontanément, les chaînes de prières se sont-elles formées, pourquoi des bougies s’allumaient, pourquoi les chants qui s’élevaient alors que les flammes dévoraient l’édifice de Notre Dame. « Parce qu’il est besoin de lieux, parce qu’il est besoin de sacré et d’histoire, parce que l’épaisseur d’une nation se mesure aussi à sa capacité à pouvoir, chaque jour, contempler une flèche dirigée vers le ciel, que l’on y croit ou pas. », écrit Isabelle de Gaulmyn dans le journal La Croix*.
Voilà à tout le moins une première vérité sur l’homme que l’incendie à la cathédrale Notre-Dame de Paris vient de révéler.
Une seconde vérité alors se montre en même temps si l’on en croit la Française Marie Laure Lavenir, responsable d’une ONG pour la préservation du patrimoine mondial*: « L’incendie de Notre-Dame, c’est la fin du sentiment d’immortalité qui l’entourait, d’où un réel sentiment de perte, et cela nous renvoie aussi à notre fragilité humaine ». Nous découvrons alors, en creux, au cœur de l’homme, un désir réel et profond d’immortalité ! Or Pâques, n’est-ce pas la promesse et l’espoir que nous vaincrons notre seule fragilité humaine pour partager l’immortalité avec Jésus ? Cela semble surréaliste aux Modernes que nous sommes ; pourtant… Pourtant quel a été le mouvement spontané du monde – du monde entier – pendant que le feu, surréaliste lui aussi, détruisait tout ? Que vivement l’on reconstruise la cathédrale !
Nous aimons, nous désirons l’immortalité, « que l’on y croit ou pas ». Si j’osais, je dirais : il n’est pas facile d’être catholique de nos jours. Alors vivement mettons Pâques au rang de patrimoine mondial de l’humanité. Au sens le plus fort du terme, bien entendu afin de conserver, comme le dit joliment Isabelle de Gaulmyn, ce « parfum » de christianisme qui caractérise, quoi qu’il en soit, notre occidentalité, au-delà des appartenances confessionnelles de chacun. Que l’on y croit ou pas…
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*Dans son blog publié le 16 avril 2019. Isabelle de Gaulmyn est rédactrice en chef du journal La Croix.
** www.20minutes.fr – 2019.04.16
MONIQUE LORTIE, l’éditorial du dimanche de Pâques 2019