Éditorial du dimanche 2 février 2025
Père Gilles Blouin, assomptionniste et éditorialiste
Un jour, les Nations Unies reçurent une importante pétition des pays de l’hémisphère nord: des gens nés avec une crinière rousse se sentaient discriminés. On se moquait d’eux. Je me suis souvenu que dans ma classe nous avions Bernard, aux cheveux roux, qu’on surnommait ‘Carotte’. «Viens jouer avec nous, Carotte.» En y repensant maintenant, c’est vrai qu’il ne devait pas apprécier.
L’association internationale des gens aux cheveux roux demandaient qu’on leur accorde un coin de terre où ils ne seraient plus une minorité. La demande était tellement incongrue qu’elle passa de justesse à l’approbation de l’assemblée, certains pays se sentant honteux d’avoir participé à cette risée. En acquiesçant à la demande, on trouva un pays ensoleillé et attrayant pour inciter les gens à y aller.
D’un peu partout dans le monde, les têtes rousses immigrèrent à vitesse grand V. Certains hésitèrent, alléguant qu’ils étaient heureux là où ils vivaient et qu’ils craignaient que toute l’affaire devienne un ghetto. Ils visiteraient plutôt de temps à autres et enverraient volontiers une contribution annuelle pour soutenir la cause. On donna un nom au nouveau pays, Orangeland, pour des raisons évidentes.
Il y eut beaucoup d’enthousiasme au début comme tout était à faire: trouver un gouvernement qui établisse des règles et des lois, créer une langue commune puisque les gens venaient d’un peu partout, s’attaquer à l’économie, aux infrastructures, défendre les frontières… On créa des fermes collectives pour accélérer l’agriculture parce qu’il fallait bien manger et inviter d’autres têtes rousses pour peupler le pays, ce qui ne fut pas difficile tellement la prospérité s’installa aussi à vitesse grand V.
Mais après quelque temps, certaines difficultés surgirent: des immigrants illégaux. On s’aperçut que certains avaient eu l’audace de se teindre les cheveux pour passer la frontière. Par ailleurs, des parents aux cheveux roux avaient donné naissance à des enfants blonds, d’autres aux cheveux bruns. Plusieurs ont dit qu’il ne fallait pas s’en faire puisque les roux demeuraient la grande majorité. Pour d’autres plus radicaux, ce n’était pas si simple: il y avait une ligne rouge à ne pas franchir. Ce serait plus facile à gérer. Il fallait renvoyer dans leurs pays d’origine les contrevenants.
L’affaire fit grand bruit et divisa le pays. On convoqua des états généraux. Après plusieurs jours de discussion, l’un des pionniers, un certain David, prit la parole: «Mes amis, nous avons peut-être eu tort de commencer cette entreprise sur des bases peu solides et j’en suis attristé. La couleur des cheveux n’est sans doute pas importante à ce point que nous en fassions la base d’un nouveau pays.» Cela créa un grand froid dans l’assemblée. À partir de ce jour, plusieurs décidèrent d’émigrer mais les plus résolus voulurent continuer… jusqu’à ce jour.
L’AMOUR ARDENT POUR JÉSUS