Encore une histoire de Mamie. Et bien oui car si j’ai la chance de bénéficier de la présence de mon petit fils à temps partiel, il habite mon cœur à temps plein.
Depuis qu’il a deux ans et demi, il cherche à exprimer son amour avec des mots.
Ce fut d’abord:
«Je t’aime gros comme des pépites de chocolat et les biscuits au chocolat».
Mignon comme tout, venant de mon petit gourmand.
Puis s’est ajouté:
«Je t’aime gros comme des pépites…. les framboises rouges et jaunes et les fruits de la passion».
Ça témoignait d’un gourmand qui devient gourmet.
Toujours en évolution:
«Je t’aime gros comme des pépites…. et les motos».
Voilà l’aventurier qui se réveille car il me promet de m’amener à Amsterdam avec lui et toute sa famille lorsqu’il sera grand.
Et tout dernièrement, la déclaration d’amour se décline ainsi:
«Je t’aime gros comme des pépites de chocolat, les biscuits au chocolat, les framboises (il a laissé tomber les distinctions de couleur), les fruits de la passion, les motos, les grands arbres et toutes les feuilles et ça c’est beaucoup!».
Amusée d’abord par cette tirade, j’ai été happée par la dernière version qui témoignait d’un autre niveau de découverte, pas seulement orale ou active mais qui mettait en lumière la capacité d’être touché par la grandeur de la nature et de vouloir s’y associer.
Je lui avais bien déjà répondu que je l’aimais gros comme la lune, le soleil et les étoiles (en me réservant la magnifique chanson de Yves Duteil pour plus tard°¹) mais ceci reste loin de lui et possiblement bien petit dans le ciel… D’ailleurs, il ne m’a jamais emprunté cette formule.
Cela m’amenait à réfléchir que la grandeur apparaît au travers de la connaissance et ultimement du regard que l’on pose. Mon petit-fils développe son regard sur ce qui l’entoure, s’approprie petit à petit l’univers. La présence de l’immensité, comme celle de la beauté, soutient enrichit et dilate l’âme.
«La contemplation permet de sortir des limites de son moi pour S’unir à quelque chose qui le dépasse totalement, le mettant dans un état de joie et d’amour…. L’homme qui connaît l’état de contemplation est rempli d’amour, son cœur ne semble plus avoir de limites°²»
Nous avons-nous aussi à travailler notre regard en le plongeant dans l’infinitésimal du microscope électronique, vers l’infini de l’univers avec les images du télescope James Webb ou vers la profondeur du mystère de l’autre.
Je serai attentive à ce que je montrerai à Mathias en le guidant aussi adroitement que possible et serai vraisemblablement témoin d’autres éveils.
S’il vient à trouver un jour le mystère de la présence du Créateur à travers ce qui l’entoure, il saisira plus tard Teilhard de Chardin lorsqu’il écrivait «Pour communier avec Vous en elles (sources de la vie)… je n’ai qu’à Vous reconnaître en elles et Vous demander d’y être de plus en plus».
Ann Montreuil, Éditorialiste au Montmartre à Québec
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°¹ Jusqu’où je t’aime. Chanson de Yves Duteil
°²Frédéric Lenoir, Petit traité de vie intérieure, Pocket 14698, 2010