À la maison, nous avions une boîte de photos où s’empilaient pêle-mêle des clichés d’une vingtaine d’années. Ma sœur Denise et moi, lorsqu’il pleuvait et que nous ne pouvions pas jouer dehors, nous nous amusions à étaler sur un lit ces souvenirs de famille en essayant de les resituer dans le temps et d’identifier les personnes qui y apparaissaient.
Il y avait des photos de fêtes de Noël avec la famille élargie: beaucoup d’oncles et de cousins, mes grands-parents aussi qui nous recevaient pour le réveillon. Une autre photo plus officielle, celle du mariage de mes parents. Il y avait celle de la première communion de Denise, celle du tunnel que nous avions creusé dans la neige, ma classe de troisième année, notre première voiture, une Ford bleue 1956, une carte funéraire d’une tante dont nous ne nous souvenions pas du nom, et bien d’autres…
Ces photos éveillaient en nous des souvenirs, nous aidaient à nous remémorer des événements heureux ou malheureux des années pas si lointaines. Nous en prenions plaisir sans savoir qu’un jour la boîte et son contenu disparaîtraient. À l’occasion d’un déménagement, mon père avait demandé à maman : ‘Est-ce qu’on apporte la grosse boîte de photos?’ C’est vrai qu’elle était un peu grosse cette boite. ‘Non, laisse faire’, de lui répondre maman. Ce qu’elle voulait dire c’était de se débarrasser de la grosse boîte mais pas des photos, nos seuls souvenirs de famille. Et depuis nous n’avons que ceux que nous avons conservés dans la tête pour nous rappeler les bons et les mauvais moments de notre enfance.
Se souvenir, qu’est-ce que cela veut dire sinon de rendre présents les gens que nous avons aimés, ceux qui ont fait partie de notre histoire, ceux qui ont croisé notre vie à un moment précis. Faire mémoire des personnes qui nous ont marqués, c’est leur rendre hommage, un hommage posthume souvent, une manière de dire merci pour avoir coloré nos jours.
Se souvenir, c’est un acte d’amour et de reconnaissance.
Père Gilles Blouin, assomptionniste et éditorialiste au Montmartre à Québec
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